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ROMÉO II.

Le docteur lira de la poche de son habit une petite branche de ramnau d’or qu’il remit à Mathieu.

— Ce soir, lorsque vous rentrerez chez vous, lui dit-il, vous respirerez cette fleur, et vous la placerez ensuite près du lit sur lequel vous vous étendrez pour dormir, en attendant qu’arrive l’heure de venir à la bibliothèque. Une fois entré dans la salle du Zodiaque, vous marcherez sans hésitation et sans peur, en tenant votre rameau à la main. Vous pourrez, chemin faisant, parler avec les personnages qui ne manqueront pas de vous regarder avec curiosité. Allez, et si vous aimez Juliette autant que vous le dites, vous aurez la force de supporter l’épreuve à laquelle vous voulez bien vous soumettre.

Ce dialogue étrange avait lieu entre le docteur Pétrus et Mathieu au milieu de la foule studieuse qui compose le public des bibliothèques, et tout près d’un étudiant aux longs cheveux qui lisait les Grands Hommes de Plutarque, et d’une petite dame occupée à rechercher dans l’histoire des costumes, l’origine, de la crinoline. Au moment où le docteur remettait à Mathieu son talisman, un garçon de salle, frappant sur la couverture d’un livre comme sur une cymbale, prévenait le public que l’heure de fermer la bibliothèque était sonnée. Les lecteurs se levèrent, firent des cornes à la page pour marquer l’endroit où ils en étaient restés, et se retirèrent.

Mathieu sortit également.

Le hasard l’emporta dans la rue ; il marcha devant lui sans but, sans direction, ne s’apercevant pas qu’il marchait. La nuit était déjà venue lorsqu’il rentra chez lui.

Tout d’abord, il pensa que l’impatience à laquelle il était en proie l’empêcherait de dormir. Il n’en fut rien. Il se coucha et plaça près de lui le rameau qui devait le guider dans son étrange expédition ; il respira plusieurs fois ce rameau, ainsi que le docteur le lui avait prescrit, et s’endormit.

À l’heure dite, il était debout. Il sortit, parcourut les rues désertes de Paris qui séparaient sa demeure de la bibliothèque, et arriva en peu de temps rue Richelieu. Son émotion était très-grande, et, quelque invraisemblable que fût l’entreprise qu’il allait tenter ; il ne concevait cependant aucun doute, et serrait convulsivement dans sa main son précieux rameau d’or.

En passant devant la guérite, il découvrit que le factionnaire dormait