princes ; l’un jouait ses domaines, l’autre sa femme. Youdhichtera joua contre un de ses cousins la jouissance de son fief pour douze années, et perdit. Les douze ans écoulés, il réclame l’enjeu ; son cousin élude la demande, fausse la foi jurée. Krichna doit encore intervenir, mais cette fois en vain. De part et d’autre, alors, on en appelle aux armes. C’est un jugement de Dieu solennel, immense, auquel viennent concourir et prendre part tous les princes et monarques de l’Inde, de Kachemyr au cap Comorin, et des bouches de l’Indus à celles du Gange ; ce sont des millions d’hommes associés aux querelles d’une famille. La grande bataille se livre dans ces mêmes plaines de Kouroukchetra (Panniput) oû vainquirent plus tard tous les conquérants de l’Inde moderne, depuis Mahmoud de Ghisni jusqu’à lord Lake, et où, à l’heure actuelle, les champions de l’Inde musulmane semblent vouloir attendre, comme en champ clos, les champions de l’Inde anglaise.
Là, comme dans les Niebelungen, cette sombre épopée des races teutoniques, viennent combattre et mourir, l’un après l’autre, tous les descendants des chefs divinisés des antiques migrations, tout ce qui porte un nom de héros ou de dieu. Après un horrible carnage, la lutte finit par la victoire des Pandavas, que Krichna a soutenus de son bras et de ses conseils. Mais trop de sang a coulé, et la vapeur de ce sang assombrit, enveloppe, comme d’une nuée funèbre, le triomphe des fils de Pandou. Bientôt, délaissant un trône qui leur a trop coûté, ils vont chercher la solitude et s’évanouissent dans ces montagnes mystérieuses du septentrion, d’où sont descendus leurs ancêtres et où siègent leurs divinités.
De même que les Niebelungen encore, le Mahabharata finit par d’innombrables funérailles et par l’apothéose de quelques noms. Il se ferme comme une nuit d’hiver sur l’âge héroïque de l’Inde, et prépare mélancoliquement aux époques sombres et sans soleil qui vont se lever.
III
ÉPOQUE DE CRITIQUE ET DE MÉTAPHYSIQUE.
Parallèlement aux grandes manifestations de la poésie héroïque, commencèrent à surgir celles de la spéculation théologico-philosophi-
