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LE PRÉSENT.

Lorsque son ardeur belliqueuse se fut un peu calmée, Mathieu se contenta de dire, pour sa justification, que le violent amour qu’il avait conçu ne le déshonorait pas. Malgré tous les efforts tentés, on ne put obtenir de lui aucune indication plus précise.

Afin de prévenir le retour d’une pareille scène, Mathieu pria son père de le laisser retourner à Paris. Il s’approcha de sa cousine avec une attitude toute respectueuse, et, après lui avoir baisé la main, il la pria de lui pardonner de ne la point aimer, promettant de lui expliquer plus tard la cause de sa conduite. En achevant ses excuses, il laissa tomber sur la main de sa cousine une grosse larme, comme l’amour quelquefois et le fanatisme toujours, sont seuls capables d’en faire répandre.

Valentine, comme toutes les jeunes filles qui ont été soumises à une éducation trop sévère, ne comprit pas un seul mot de ce qui se passait. On lui avait vaguement dit que son cousin pouvait devenir son mari ; mais ce n’était pour elle qu’un détail auquel son esprit accordait moins d’importance qu’à la belle toilette qu’elle avait mise ce jour-là. Elle ne fit aucun reproche au pauvre aveugle qui ne savait pas l’apprécier, et, clémente autant que le soleil de M. Lefranc de Pompignan, elle se contenta de jeter un beau sourire, en signe de pardon, sur son obscur blasphémateur.

Mathieu quitta la maison de son père presque furtivement et sans dire adieu à personne.

Mais madame Casimir, qui dans les grandes occasions avait coutume de consulter son médecin, alla le trouver, et soumit à sa sagacité le phénomène d’indifférence auquel elle venait d’assister.

Même lorsqu’ils ne comprennent rien à ce qu’on leur demande, les médecins feignent de n’éprouver aucune surprise. M. Barbé, après avoir écouté les longues fureurs de sa cliente, lui donna l’assurance que dans cinq jours il lui expliquerait la cause de la froideur de Mathieu, et qu’il pousserait la précision jusqu’à mettre à nu devant elle le cœur de ce jeune insensé.

Il suffisait pour cela d’écrire à un de ses vieux amis, médecin à Paris, et très-versé dans les problèmes du cœur. Ce dernier s’appelait le docteur Pétrus.

M. Duprat et madame Casimir donnèrent tout pouvoir au docteur Pétrus d’observer Mathieu, d’analyser la passion mystérieuse qui