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LE PRÉSENT.

et comme perdu au milieu des herbes de la beauté du diable de son printemps masculin. Ses cheveux et sa barbe étaient incultes, et sa taflle égarée dans l’ampleur exagérée d’un paletot-sac. Ce n’était ni un jeune homme ni un amoureux ; il ressemblait bien plus à un séminariste grisé de théologie et repassant pour la dernière fois la Somme de saint Thomas d’Aquin.

Madame Casimir et M. Duprat le regardaient avec de grands yetix étonnés. Quant à Valentine, son étonnement n’était pas moins grand.

Tout d’abord, ils considérèrent cette étrange attitude cômme le résultat des fatigues du voyage ; mais cette illusion ne fut plus permise le lendemain matin, lorsque Mathieu, venant se mettre à table pour déjeuner, apparut aussi gauche et aussi froid que la veille.

Madame Casimir, à bout de patience, éclata et pria son frère de questionner Mathieu sur son indifférence.

— Que signifie, lui dit M. Duplat, l’engourdissement dans lequel tu es plongé ? Est-ce que tu n’es pas heureux de nous revoir ?

— Si, mon père, je suis très-heureux de me retrouver auprès de vous.

— On ne le dirait pas, reprit madame Casimir. Tu es d’une froideur glaciale qui me désole, et que n’ont pu tempérer les charmes de ta cousine. Est-ce que tu ne trouves pas Valentine assez belle ?

— Valentine est charmante !

— Je veux bien croire à la sincérité de tes paroles, dit M. Duprat, mais si tu trouves Valentine charmante, pourquoi ne la regardes-tu pas ? Tu es avec elle d’une indifférence bien faite pour l’offenser.

Mathieu accepta ce reproche et ne répondit pas.

Son silence acheva d’exaspérer madame Casimir. Elle saisit Valentine par la main et sortit avec elle, laissant le père et le fils en tête à tête.

M. Duprat, faisant appel à sa sagacité et à son tact de père de famille, essaya de laisser entendre à Mathieu le projet qu’il avait formé. Il disserta longtemps sur la beauté de Valentine, sur son éducation, sur son caractère et sur sa fortune, et, en guise de péroraison, il lui dit que, d’accord avec sa tante, il la lui destinait pour femme. Il avait compté là-dessus pour faire cesser le laconisme de Mathieu.

Mathieu l’écouta sans la moindre émotion, et pour toute réponse il dit à son père qu’il ne pouvait épouser sa cousine.