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LIVRES ET JOURNAUX.

si glorieuse et qu’il a si vivement sentie, si savamment analysée, par malheur, en trop peu de mots.


Durant la quinzaine qui se ferme, les Revues ne nous ont guère donné que des commencements de travaux. C’est ainsi que la Revue de Paris a publié la première partie d’un voyage en Hollande, par M. Maxime du Camp. Nous attendrons, pour en parler, la fin de cette publication remarquable dont les premières lignes nous font espérer pour l’auteur et pour les lettres une œuvre de plus. Dans le même volume, nous rencontrons une nouvelle intitulée Maltève, de M. Léopold Lalluyé.

Ce n’est point une histoire neuve. Un mariage de raison qui se conclut comme un orage éclate, un mari promptement trompé, foudroyé, le pauvre homme, par la découverte de son malheur, et pardonnant à la fin, parce qu’il n’a pas le courage d’en vouloir plus longtemps à une coupable que le sort a punie, voilà tout. Mais non, je me trompe, il y a autre chose ; il y a un caractère bien vu, bien analysé, celui de Maltève, le mari. Ce pauvre Maltève a des cheveux blancs ; il aime et n’est point aimable ; son amour se connaît lui-même, et, à défaut des ardeurs de l’amant, Maltève essaie souvent avec sa femme des tendresses du frère. Rien ne le sauve, et dans son malheur il est admirable, faible quelquefois, lâche jamais.

Il s’en faut de beaucoup que le dessin de l’héroïne, de cette froide et impitoyable Juliette, soit aussi heureux. On ne sait trop si sa faute est le résultat d’un long calcul ou d’un entraînement nouveau : l’auteur semble n’avoir pas voulu le dire. Mais l’art des sous-entendus est le plus difficile de tous dans le récit. Les nuances du style, la science et la sobriété des détails, l’horreur de la puérilité, le secret de bien dire enfin sont tout dans une nouvelle ; M. Lalluyé a trop oublié tout cela J’aimais mieux de lui cette charmante bluette intitulée le Printemps et jouée, il y a deux ans, à l’Odéon.

À côté de Maltève, la Revue de Paris nous offre une exhumation d’un certain humoriste Suédois, Lichtemberg, génie un peu obscur, remis en lumière par M. Dolfus. On tremble de penser que ce Lichtemberg vivait en Suède au temps où Voltaire et Diderot régnaient en France. M. Dolfus me semble, après lecture, bien supérieur à celui qu’il exalte si fort, et qu’il essaie de mettre à côté de Sterne ! Lichtemberg un humoriste ! non, mille fois non, ce n’est qu’un Grotesque.

La Revue Française achevait, dans son dernier volume, une nouvelle de M. Barbara, l’Esquisse de la vie d’un Virtuose. Il y a beaucoup d’écrivains dans notre temps, peu de penseurs ; on remue le feu des phrases à la pelle, et les idées restent enfouies dans la cendre. M. Barbara est un romancier à idées. Il aime les données étranges, le drame vigoureux et intime. On chercherait en vain, dans l’Esquisse de la vie d’un Virtuose, de l’action telle qu’on en veut trouver dans