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LE PRÉSENT.

dans une préface, qui assurément n’est pas de lui. Bizarre frontispice d’un monument toujours gracieux, incroyable morceau, généralement attribue à M. de Banville et qui véritablement est signe de son nom. Cette préface est sans tendances à coup sûr, je voudrais dire sans prétentions ; ce n’est pas non plus une explication du livre, qui n’a pas besoin d’être expliqué ; c’est un récit, ou plutôt une suite de récits qui se croisent, se heurtent, se perdent, dans l’esprit surtout du lecteur. Cela contient toutes sortes de choses bien faites, depuis un catalogue ingénieusement historié des ouvrages de M. Houssaye jusqu’à une nouvelle. Certes, ce n’est pas moi qui me plaindrai de l’insertion d’un roman, si long qu’il soit, dans une préface, et celui-là est fort court. Et puis, ce n’est pas des trente-quatre pages de M. de Banville, — dix-huit sont citées des differentes œuvres de M. Houssaye, deux sont de M. Boyer, une de M. Pyat. — Ce n’est pas de ces quelques pages que je dois parler ici. Et pourtant… mais non. — J’en reviens à M. Houssaye.

Le livre, comme la couverture, porte trois titres qui en marquent la-division : — Les Romans de la vie, le Musée du poëte, les Sentiers perdus. Il me semble que ces trois divisions marquent aussi pour l’auteur trois phases bien distinctes de sa vie ; et voici peut-être l’occasion de prouver ce dire audacieux que je crois avoir avancé tout à l’heure : M. Houssaye a été poëte. Poëte comme une pêche est une pêche, dit la préface. Singulière figure, mais elle est si vraie. La belle chose pour tant que la jeunesse, et M. Houssaye devait être plus jeune, très-jeune même, quand il a écrit les romans de la vie. Si sa poésie peut être comparée à une pêche, ajoutons qu’elle en avait alors le duvet.


J’allais avec mafautaisie
Sous un vif rayon de printemps,
J’avais au front mes dix-huit axis
Et dans mon cœur la poésie.


Dans ce temps-là il devait en coûter secrètement beaucoup à M. Houssaye d’aimer tant le dix-huitième siècle. C’était le temps de Cécile, la vendangeuse blonde, le temps de la foi, bientôt du désenchantement, le temps de Ninon, la folle infidèle, puis de Léa, le dernier bourreau d’un cœur déjà si souvent transpercé, le temps enfin où l’écrivain composa son poème des Paradis perdus. Il est certain que M. Houssaye, en tant que poëte, a connu l’amour, dont il a parlé dans un langage heureusement mélangé de celui du grand Alfred de Musset et de celui de Dorat. S’il s’est trop occupé des mièvreries de l’amour, il en a sondé, du moins, les morbides ardeurs. Dans notre temps moderne, chrétien malgré lui, il n’y a rien d’aussi triste au fond que la volupté. Voilà sans doute ce qui donne à toute poésie vraie on caractère mélancolique, car on n’est pas poëte si l’on n’a