Page:Le Présent - Tome deuxième, 1857.djvu/26

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
14
LE PRÉSENT.

toutes les légendes mythiques d’un grand nombre de générations, ce représentant d’une race vaincue, d’une cause condamnée, ne nous apparaît que comme un de ces êtres fantastiques qui peuplent le ciel ou l’enfer de la mythologie indoue. Son vrai nom même nous est aussi inconnu que sa véritable physionomie, et le surnom odieux par lequel ses ennemis l’ont désigné aux anathèmes de l’avenir est seul venu jusqu’à nous.

Écoutons le poëte parlant de Ravana :

« Le roi des Rakchas, terreur de l’univers, siégeait sûr un trône d’or, entouré de ses ministres, comme Vasava au milieu des vents… Avec ses yeux fauves et sa large poitrine, ses bras robustes chargés de bracelets d’or, ses dents blanches et sa tête gigantesque, il dominait son splendide cortège comme un noir et épais nuage. Héros farouche et jusqu’alors invaincu, semblable à Yama, le dieu de la mort, qui engloutit tout dans ses abîmes toujours ouverts, il portait avec orgueil les traces des blessures qu’avaient gravées sur tout son coips sillonné les foudres d’Indra, les défenses de l’éléphant Aïravata, le disque de Vichnou et toutes les armes divines, alors qu’avec les Asouras il avait disputé aux Devas l’amrita et l’empire du ciel. Dans la lutte que les fils d’Aditi ont soutenue contre ceux de Danou, nul guerrier, du haut de son char, n’a lancé des traits plus furieux, n’a immolé plus de victimes. Nul aussi n’a plus souvent souillé les purs sacrifices où s’offre le beurre sacré, et ravi le suc du soma consacré par les Brahmanes avec des chants solennels. Violateur sacrilège des rites les plus saints, cruel et impie, couvert de sang brahmanique, sauvage et sans pitiét ne redoutant la mort, dans les batailles, ni de la main des dieu, ni de celle des démons, et encore moins de la main d’un homme…, tel était Ravana ! »

Une croisade prêchée contre ce noir Titan par las prêtres arums trouva pour promoteur et pour chef un prince de la race solaire ré » gnant à Ayodhia, Rama Dagaraiide, qui, élevé dans toute la ferveur du brahmanisme, s’était fait, dès sa plus tendre jeunesse, le défenseur armé des anachorètes répandus dans les solitudes de l’Inde. Exclu du trône par les artifices deçà belle-mère, et exilé parmi les Vanaras, Berna n’eut pas de peine à former une ligne de toutes leurs tribus et à les pousser contre les Rakchas. Ayant refoulé, après plumeurs rencontres, les forces de ceux-ci dans Ceylan, il les y poursuivit, mit le