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CHRONIQUE.

peut-être devrai-je à cette page, que je n’ai pas voulu relire, d’être un jour député. Si je l’étais aujourd’hui, quel discours superbe je ferais sur l’éducation en France ! Il y aurait au moins huit péroraisons, une par paragraphe ; je citerais, comme M. Janin, Horace et Virgile, et je finirais en demandant qu’on s’occupât un peu plus du français, et beaucoup moins du latin et du grec. Je ne suis, hélas ! pas député. Je n’ai pas de motion à faire, mais des nouvelles à donner, et je m’en vais de-ci de-là sans rien apprendre à mes lecteurs des derniers faits de la quinzaine. Qu’y a-t-il ? Rien ou bien peu de chose. Il faut quitter la terre ferme, se lancer sur le grand Océan, et arriver jusqu’aux parages où a sombré ce navire qui portait 500 êtres humains, hommes, enfants et femmes, 450 ont péri, et l’agonie de quelques-uns a dû être affreuse ! Ils avaient tous de l’or ; ils portaient avec eux leur fortune, et ils revenaient tout joyeux ! Dieu a soulevé les vagues, couché sur le flanc le navire, et le Central America s’est abîmé dans l’Océan. Tout le monde, à l’heure suprême, a accepté cette situation terrible sans faiblesse, avec une admirable résignation, et c’était, sans doute, un spectacle bien grand, que celui de ces gens attendant debout que le capitaine eût donné les ordres et qu’arrivât leur tour de monter dans l’embarcation de salut. Il a, dit-on, été sublime ce capitaine Hendon, et ceux qui ont survécu au naufrage l’ont représenté grand et noble comme un homme des temps antiques. L’Amérique au cœur de bronze s’est émue du récit de cet immense désastre. Mais encore les journaux se sont-ils occupés de la perte matérielle autant que de la mort des hommes ; ils comptaient même les dollars perdus avant de compter les victimes !

Il y a pourtant bien quelques nouvelles de France. On a élevé, l’autre jour, à Grignan (Drôme), la statue de Mme de Sévigné ; cette charmante Mme de Sévigné, comme on dit toujours, quelquefois sans la bien connaître. Et même ce qu’on sait d’elle, ce qui est devenu classique, ce que débitent les collégiens et les notaires, la fameuse phrase, par exemple, de la nouvelle étonnante, surprenante, étourdissante, etc., etc., etc., me trouve assez indifférent. Il y a en France beaucoup d’admirations de commande, des enthousiasmes de convention, des bouquets de lauriers tout faits, qu’on jette aux pieds de certaines idoles, sans savoir si jamais elles ont mérité ces éloges et ces amours ! Point ne veux toucher à cette jolie créature, et chiffonner sa réputation, mais peut-être eût-on pu placer mieux ces quelques pieds de marbre, et bien des morts sont couchés sous une pierre obscure, dont on devrait élever les statues en plein soleil, avant de penser à cette délicieuse bavarde qu’on appelle Mme de Sévigné.

A-t-elle jamais eu le bonheur que vient d’avoir Mme Ristori, une grande artiste et un grand cœur ? C’était à Madrid ; elle jouait devant la cour. Les coulisses étaient pleines de grands-ducs, de grands officiers qui déposaient aux pieds de leur actrice le tribut de leurs éloges et de leur admiration. L’actrice jouait ce