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LE PRÉSENT.

cières de Macbeth. Quoi ! dans les légendes du Nord se retrouvent les mènes images, les mêmes terreurs mystiques que dans les traditions mythologiques du midi de l’Europe ! Ici et là, c’est la même forme, ce sont des terreurs pareilles ! Singulière coïncidence, qui s’explique cependant, non par des emprunts de Shakspeare mais par l’identité du cœur humain. Le remords et la vengeance sent de toutes les légendes et de tous les pays, comme les dieux malfaisante qui tes représentent. Ici seulement, ce sont des chaudières bouillantes où entrent toutes sortes d’ingrédients diaboliques, chers à la superstition anglo-saxonne du seizième siècle. Là, ce sont des danses comme les aimait la Grèce. Les sorcières de Shakspeare sont bizarres et ricanent ; les furies d’Eschyle sont sévères dans leur beauté et dans leur langage. J’aime mieux la gravité sombre de celles-ci, — bien que les unes et les autres poursuivent le même but, — parce que la justice doit dire toujours grave, jamais railleuse. Ces réflexions, je les faisais en entendant les observations grammaticales du professeur, et je me disais une fois de plus que, si tes vers grecs sont une musique dont chaque note doit être étudiée, il ne faut jamais oublier qu’ils sont aussi une poésie dont il faut nous faire contempler te hauteur, surtout quand c’est Eschyle qui écrit.

Les livres sortis de l’université se pressent sous ma plume, et je veux citer tout d’abord une réimpression corrigée des Tragiques grecs, de M. Patin. Je remettrai à un autre jour l’examen du livre.

Mais j’ai besoin de dire tout de suite qu’il s’est enrichi de notes nombreuses, d’une table bien faite et de curieuses réflexions sur certains commentateurs allemands, comme M. Hartung, par exemple, qui préfère l’Andromaque d’Euripide à celle de Monsieur Racine, quoique, dit-il naïvement, il n’ait jamais mis le nez dans aucun de nos tragiques français. Voilà de la bonne critique, et M. Hartung mérite d’être cru sur parole. M. Patin a fait d’autres découvertes encore que je me propose d’énumérer et d’apprécier prochainement.

À côté de son livre se lisent des thèses qui sont des livres aussi. C’est un des produits les plus curieux de la littérature courante, parce qu’on y rencontre de lamaturité, du goût, des recherches neuves, un talent laborieusement acquis et des efforts soutenus en faveur de la vérité ; toutes choses qui sont plus rares ailleurs. Plus d’une de ces thèses restera pour être consultée ; plus d’une est déjà devenue un ouvrage à te mode, comme le Savonarole de M. Perrens, ou la Querelle des anciens et des modernes de M. Rigault. En voici une qui a pour titre Sénèque et saint Paul, et qui me rappelle tout de suite une leçon de M. Rigault sur cette ancienne question : Sénèque a-t-il connu saint Paul ? Tout le monde, après avoir affirmé, s’est mis à nier ; et M. Rigault, en apportant à la négation un témoignage de plus, — que lui avait fourni, disait-il, le savant et modeste M. Charpentier, — a conclu comme tout te monde.