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LE PRÉSENT.

commun et la vérité, réagissant à la longue, ne tiraient peu à peu chacun de ce long engouement et ne poussaient sourdement les plus sages à la désertion. On se dédommage graduellement par le commerce des bons esprits ou par l’assiduité aux bonnes leçons. Dans les chaires supérieures, en effet, se rencontrent les talents éprouvés, ceux qui ont donné des gages par un stage laborieux, par des études et des grades. Là, le charlatanisme de la parole est exclu à peu près partout, parce qu’il ressemble au mensonge ; la simplicité qui attire lentement, mais qui sait garder longtemps, est un secret envié, et, comme personne n’a payé en entrant, c’est par la solidité de l’esprit et par une valeur sérieuse qu’on retient un auditoire enclin à la critique ou à l’ennui.

Les bons livres qui, eux aussi, sont des professeurs à leur manière, ont leur part dans ce retour à la vérité et au bon goût. On court aux solides après avoir abusé des légers ; on demande des choses après avoir trop cru aux mots ; et, comme n’est pas solide qui veut, qu’il y a plus de suc dans une page de Rollin que dans un livre d’Hamilton, et que ceux qui amusent ne sont pas toujours ceux qui servent, c’est dans la bibliothèque des livres sérieux, des thèses longuement méditées et des ouvrages substantiels que l’on va se dédommager des frivolités trop prolongées.

C’est donc de l’enseignement et des livres qui apprennent quelque chose que nous traiterons ici. Notre tache sera assez longue, car l’enseignement public tient une grande place dans nos habitudes, et les bons livres s’y font chaque jour la leur. L’enseignement, on le sait, se partage toujours entre les langues classiques et les sciences. Les langues étrangères et les arts d’agrément s’y mêlent dans une mesure bornée, et il faut désirer que, d’ici longtemps, cette solide structure, qui est l’œuvre du temps et de l’expérience, ne soit pas détruite. Ce n’est pas que les objections manquent pour l’attaquer. Les contradicteurs sont aussi vieux qu’elle, et rien ne prouverait mieux sa solidité que sa persistance à travers les obstacles.

Les adversaires de l’enseignement classique me paraissent avoir toujours mal posé la question. S’il s’agit, en matière d’éducation, de faire de son intelligence un placement avantageux, rien n’est plus simple. Il faut supprimer Virgile et Bossuet, et s’assimiler une certaine dose de connaissances pratiques, professionnelles, au bout desquelles on trouve un profit. Mais si l’éducation doit commencer par l’instruction, c’est-à-dire par cette sorte de gymnastique morale et intellectuelle qui prépare et fortifie l’esprit et qui le déploie au lieu de le restreindre, la question n’est plus la même. Il s’agit de savoir qui des sciences ou des lettres conviendra mieux.à ce but.

Dans les sciences exactes, — et leur nom dit assez ce qu’elles sont, — il faut accepter des définitions précises et s’assimiler des formules. L’invention, l’imagination, l’initiative d’une intelligence n’ont rien à faire ici, à moins qu’il ne s’agisse d’un Newton