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LE PRÉSENT.

mais plus encore de l’histoire antique et de l’idéal tels qu’on les concevait de son temps. S’il trouve que certaines scènes de Britannicus sont si difficiles à jouer, c’est qu’en bon camarade il vient au secours de Racipe, et coule sur les vers dont le ton n’est plus de mode. Quant aux tragiques contemporains, il sut faire quelque chose de rien, et créer des figures vivantes sur des indications arides ; mais, à côté d’une personnalité d’acteur si puissante, il n’y avait pas place, dans un genre vieilli, pour une personnalité d’auteur. Talma était, vis-à-vis des écrivàins qu’il employa, comme nos grands compositeurs, qui préféreront toujours à un vrai poëte un faiseur de libretto plat mais docile. Aussi est-il mort à temps en 1826, en train de faire applaudir le Charles VI, de Delaville ; un peu plus tard, en face des grands drames romantiques, il aurait été pire qu’un interprète médiocre, un interprète qui ne veut pas comprendre.

Ainsi nous voyons que depuis Louis XIII trois révolutions se sont accomplies dans les costumes tragiques. La première a été faite au nom du roi, de Louis XIV, soleil et dieu ; la seconde, au nom de la philosophie ; la troisième, au nom de la république. À trois époques si différentes de ton et de sentiment, le goût du public au théâtre était nécessairement différent, et les acteurs n’ont transformé leurs costumes que parce que ce goût les forçait à transformer leur jeu. D’où il suit qu’au théâtre, la recherche de la couleur historique est une chimère, et qu’aux yeux d’un contemporain de Périclès, Talma aurait paru aussi peu grec que Baron.

Émile Lamé.