Page:Le Présent - Tome deuxième, 1857.djvu/223

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
211
LE COSTUME AU THÉÂTRE.

« Qu’en dis-tu ? » sera rappelé aux jeunes générations qui ignoreront le nom de l’auteur de Manlius. Voltaire, malgré les larmes dont nous parle Marmontel, malgré son admiration pour la mimique de Mlle Clairon dans la scène de l’urne et pour Lekain sortant du tombeau de Vénus, les bras ensanglantés, vit tout de suite les inconvénients de ce jeu trop serré qui allait tuer la poésie tragique.

« Gardons-nous, dira-t-il jusqu’à la fin, de chercher, dans un grand appareil et dans un vain jeu de théâtre, un supplément à l’intérêt et à l’éloquence. Il vaut cent fois mieux savoir faire parler ses acteurs que de se borner à les faire agir. Nous ne pouvons trop répéter que quatre beaux vers valent mieux que quarante belles attitudes. Malheur à qui croirait plaire par des pantomimes, avec des solécismes ou avec des vers froids et durs, pires que toutes les fautes contre la langue ! Il n’est rien de beau en aucun genre que ce qui soutient l’examen attentif d’un homme de goût. »

Cette opinion est exactement le contraire de celle que l’on professe aujourd’hui, touchant le théâtre. Directeurs, auteurs et critiques sont d’accord sur ce point : il vaut cent fois mieux savoir faire agir ses acteurs que de se borner à les faire parler.

Quoi qu’il en soit, ces habits de Mlle Clairon, qui pour Marmontel étaient le costume bien observé, nous sembleraient aujourd’hui des costumes bien mal observés. Par exemple, l’habit d’Électre était une robe à queue, sans paniers, mais à la mode Louis XV, et cette chevelure en désordre ne laissait pas que d’être poudrée à blanc. Les paniers furent même conservés dans presque tous les rôles ; Mlle Duménil, la plus naturelle et la plus sincère des actrices de ce temps, les portait dans Sémiramis et Athalie. Mlle Raucourt et toutes les actrices de la Comédie-Française les conservèrent, ainsi que la poudre, à une époque où elles n’en portaient pk» à la ville. La réforme pour les femmes consista surtout dans la grande variété de leurs costumes, suivant le temps et le lieu, tandis qu’avant la réforme tes costumes tragiques étaient devenus presque uniformes. Le corps et la jupe de brocart dont elfes avaient hérité du xviie siècle, habit de dessus d’une richesse barbare, roide et gênant, fut remplacé par un manteau de soie damassée, plus maniable, jeté sur une épaule, passant sous l’autre, froncé, revenant sur lui-même, relevé en plusieurs endroits par des nœuds et des ganses, et rappelant, pourvu qu’on y mette un peu de bonne volonté, tes ajustements des dames romaines. La réforme pour les hommes fut plus radicale. Leurs costumes peuvent se ranger en costumes turcs, costumes moyen âge et costumes antiques. Dans tous, les acteurs gardent la poudre, mais ils dénouent la queue de leur perruque. Ils ont, pour la première fois, le cou nu.

Par Turcs il faut entendre, comme nous l’avons dit, tous les Orientaux. Les signes distinctifs de ce costume sont le turban avec plumet, aigrette et croissant, beaucoup plus petit que celui du xviie siècle, et la pelisse, dont la queue est le