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L’INDE ANTIQUE.

fondèrent de nouvelles villes et de nouveaux États, et répandirent au loin leur civilisation, leurs idées et leur culte. Bientôt l’Indostan tout entier, c’est-à-dire l’espace immense compris entre le Sind et le Brahmapoutre, entre l’Himalaya et les monts Vindhias, fut couvert de principautés et de fiefs, dont chaque titulaire, fier de son titre de Kchattrya, rendant au chef de sa race un vain hommage, ne releva guère que de ses caprices et de son épée. Les plus anciennes traditions écrites attestent les combats qu’ils eurent à livrer à une nature encore indomptée, aux fleuves débordés, aux monstres des forêts, et les luttes qu’ils soutinrent contre les représentants des deux races qui les avaient précédés dans ces contrées. En constatant leurs victoires sur les indigènes, les traditions témoignent aussi des crimes dont ils souillèrent ces victoires, des abus monstrueux d’oppression et de pouvoir dont ils se rendirent coupables. Elles racontent aussi comment, entre les oppresseurs et les opprimés, surgit un autre pouvoir, émule et rival de celui des guerriers : la puissance théocratique qui, se disant gardienne des traditions sacrées, opposa avec succès au pouvoir du glaive, à la force brutale de l’aristocratie des Kchattryas, l’autorité de la parole sainte. De cet antagonisme naquirent des luttes, des guerres intestines dont la plus terrible est celle que les poëmes sanskrits ont symbolisée dans la grande individualité du brahmane Paraçou-Rama (1800 à 2000 ans avant J.-C.).

Ce premier de tous les réformateurs, dont les hommes aient gardé le souvenir, se préparait à la vie ascétique dans l’ermitage de son père, saint anachorète, lorsque le bruit des crimes des Kchattryas vint l’arracher à ses pieuses méditations. « Il regarda autour de lui, dit la légende, et vit princes et rois pesant lourdement sur la terre. « Le jeune ascète décrocha alors sa hache [1] du foyer paternel, et courût recruter dans le Nord un arrière-ban de l’émigration ariane. Coalisant ces tard-venus avec les opprimés du Sud, il déclara aux Kchattryas une guerre d’extermination. Il les écrasa dans vingt-une rencontres, combla neuf lacs de leur sang, et éleva trois pyramides de leurs têtes ; sa justice vengeresse ne s’arrêta que sur l’ordre des dieux.

Le résultat de ce grand conflit fut l’organisation définitive du système des castes, dans lesquelles vinrent se ranger tous les éléments de

  1. D’où son nom de Poraçon-Roma ou Rama à la hache.