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QUELQUES CARICATURISTES ÉTRANGERS.

terme absent) a trouvé son expression dans les caricatures de Léonard de Vinci et dans les scènes de mœurs de Pinelli. Tous les artistes connaissent les caricatures de Léonard de Vinci, véritables portraits. Hideuses et froides, ces caricatures ne manquent pas de cruauté, mais elles manquent de comique ; pas d’expansion, pas d’abandon ; le grand artiste ne s’amusait pas en les dessinant, il les a faites en savant, en géomètre, en professeur d’histoire naturelle. Il n’a eu garde d’omettre la moindre verrue, le plus petit poil. Peut-être, en somme, n’avait-il pas la prétention de faire des caricatures. Il a cherché autour de lui des types de laideur excentriques, et il les a copiés.

Cependant tel n’est pas en général le caractère italien. La plaisanterie en est basse, mais elle est franche. Les tableaux de Bassan qui représentent le carnaval de Venise nous en donnent une juste idée. Cette gaîté regorge de saucissons, de jambons et de macaroni. Une fois par an, le comique italien fait explosion au Corso, et il y atteint les limites de la fureur. Tout le monde a de l’esprit, chacun devient artiste comique ; Marseille et Bordeaux pourraient peut-être nous donner des échantillons de ces tempéraments. — Il faut voir, dans la princesse Brambilla, comme Hoffmann a bien compris le caractère italien, et comme les artistes allemands qui boivent au café Greco en parlent savamment. Les artistes italiens sont plutôt bouffons que comiques. Ils manquent de profondeur, mais ils subissent tous la franche ivresse de la gaîté nationale. Matérialiste, comme est généralement le Midi, leur plaisanterie sent toujours la cuisine ou le mauvais lieu. Au total, c’est un artiste français, c’est Callot, qui, par la concentration d’esprit et la fermeté de volonté propres à notre pays, a donné à ce genre de comique sa plus belle expression. C’est un Français qui est resté le meilleur bouffon italien.

J’ai parlé tout à l’heure de Pinelli, du classique Pinelli, qui est maintenant une gloire bien diminuée. Nous ne dirons pas de lui précisément que c’est un caricaturiste, mais plutôt un croqueur de scènes pittoresques. Je ne le mentionne que parce que ma jeunesse a été fatiguée de l’entendre louer comme le type du caricaturiste noble. En vérité le comique n’entre là dedans que pour une quantité infinitésimale. Dans toutes ses études, nous trouvons une préoccupation constante de la ligne et des compositions antiques, une aspiration systématique au style.