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LE PRÉSENT.

style. La naïveté ne se vole pas. Ils ont réussi à être de glace dans leur enfantillage affecté, et ils dessinent d’une façon beaucoup plus insuffisantesante.


En Espagne, un homme singulier a ouvert dans le comique de nouveaux horizons.

À propos de Goya, je dois d’abord renvoyer mes lecteurs à l’excellent article que Théophile Gautier a écrit sur lui dans le Cabinet de l’Amateur, et qui fut depuis reproduit dans un volume de mélanges qui portait pour titre collectif : Zigzags. Théophile Gautier est parfaitement doué pour comprendre de semblables natures. D’ailleurs, relativement aux procédés de Goya, — aqua-tinte et eau-forte mêlées, avec retouches à la pointe sèche, — l’article en question contient tout ce qu’il faut. Je veux seulement ajouter quelques mots sur l’élément très-rare que Goya a introduit dans le comique : je veux parler du fantastique. Goya n’est précisément rien de spécial, de particulier, ni comiqueabsolu, mcomique purement significatif, à la manière française. Sans doute, il plonge souvent dans le comique féroce et s’élève jusqu’au comique absolu ; mais l’aspect général sous lequel il voit les choses est surtout fantastique, ou plutôt le regard qu’il jette sur les choses est un traducteur naturellement fantastique. Los Caprichos sont une œuvre merveilleuse, non-seulement par l’originalité des conceptions, mais encore par l’exécution. J’imagine devant Les Caprices un homme, un curieux, un amateur, n’ayant aucune notion des faits historiques auxquels plusieurs de ces planches font allusion, un simple esprit d’artiste qui ne sache ni ce que c’est que Godoï, ni le roi Charles, ni la reine ; il éprouvera toutefois au fond de son cerveau une commotion vive, à cause de la manière originale, de la plénitude et de la certitude des moyens de l’artiste, et aussi de cette atmosphère fantastique qui baigne tous ses sujets. Du reste, il y a dans les œuvres issues des profondes individualités quelque chose qui ressemble à ces rêves permanents ou chroniques qui assiègent régulièrement notre sommeil. C’est là ce qui marque le véritable artiste, toujours durable et vivaoe même dans ces œuvres fugitives, pour ainsi dire suspendues aux événements, qu’on appelle caricatures ; c’est là, dis-je, ce qui distingue les caricaturistes historiques d’avec les caricaturistes artistiques, le comique fugitif d’avec le comique éternel.