sion. Connaissant alors jusqu’à la moindre fibre du cœur d’Arsène, elle aceepta l’amour, tel que pouvait le lui donner ce cœur inique et insaisissable, et, parce qu’elle croyait encore que si elle n’aimait plus elle cesserait de vivre, elle se résolut à aimer sans se plaindre avec l’humilité du désespoir. — Dès le lendemain, sa mère la vit plus calme : sa physionomie seulement se voila d’une manière étrange, et sa bouche contracta l’habitude d’un sourire pâle, comme un rayon de soleil au milieu de l’ondée. Ce sourire qui tombait lourdement sur le bel Onfray ne le troubla pas ; il s’en applaudissait même tout haut devant la jeune femme, ne l’ayant jamais trouvée si complaisante ni si douce. Il voulut qu’elle renonçât à ses habits de deuil, elle les quitta. Un jour, elle lui demanda presque pardon de l’humeur fantasque qu’elle avait montrée durant quelque temps. Cette seconde métamorphose produisit sur lui un effet extraordinaire, en le frappant comme tout ce qui était nouveau. Il lui était arrivé d’étonner une Anna et de fasciner quelques femmes, — jamais d’en dominer aucune. En se sentant un jour maître de Julie, il eut comme une révélation vraie du bonheur, comme un dernier avertissement de l’amour. C’était après un long entretien : son âme étroite se trouva tout à coup trop pleine. Il se précipita aux pieds de la jeune femme :
— C’est maintenant… dans une heure, qu’il nous faut partir, s’écria-t-il.
Mais elle ne croyait plus à rien de ce qui venait de lui ; cet élan, au lieu de l’enivrer, la glaça.
— Demain, toujours demain, reprit-il en se relevant brusquement.
— Oui, fit-elle, quel mot, et comme il me menace !
La nuit avait passé sur l’enthousiasme d’Arsène : Julie le vit arriver dès le matin.
— Ah ! lui dit-il, que ne m’avez-vous compris hier ! ne serions-nous pas plus heureux aujourd’hui ?
Et il s’agenouilla encore à ses côtés, mais ce n’était plus par un mouvement irréfléchi, comme la veille.
— Oui, j’avais douté de vous, et ce n’est pas depuis longtemps que je vous connais tout entière. — J’ai pourtant bien mérité cette confiance que vous me refusez toujours ! — Ne vous aimai-je pas cent fois plus que je n’ai jamais aimé ?
Il disait vrai. Madame du Songeux savait bien qu’elle exerçait contre
