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LE PRÉSENT.

— Soit, reprit la jeune femme avec un rire déchirant, je ne m’en étais pas aperçue.

Arsène lui tendit la main ; — elle y mit la sienne.

— Pourquoi aimez-vous Georges ? dit-il rapidement, comme s’il avait eu peur de perdre une si belle occasion de placer ce qu’il voulait dire. — Pourquoi chercher en lui un ami, uti confident même, quand je suis là à vos côtés ? Car c’est une confession que vous lui avez faite, j’en suis sûr ; il doit tout savoir, lui, et je n’en serais pas blessé ! Ces affreuses querelles vous font moins de mal qu’à moi ; — autrement, ne vous appliqueriez-vous pas à les rendre impossibles ? — Un peu de confiance de votre part, il n’est pourtant besoin que de cela ! Pourrai-je craindre de vous aimer, quand je vous connaîtrai tout entière ? Il me semblerait si bon de croire aveuglément en vous et de forcer le monde à y croire comme moi ! Julie… mais parlez donc… Oh ! vous ne vous tairez plus.

— Voici bien longtemps que vous cherchiez l’instant propice à cette étrange sommation, dit-elle. — Ce n’était pas mon ressentiment qui vous chagrinait, ce n’était que le dépit de ne pouvoir plus m’interroger quand vous me voyiez irritée, malade, dévorée d’inquiétude et peut-être de regrets, et prête à rompre avec vous plutôt que de souffrir davantage. Tenez, continua-t-elle, prenez garde que je ne parle !… Non, Dieu m’entend ici, je ne parlerai pas ! — Je ne veux point ta’avilir, car je suis une honnête femme, et il serait bien à vous de respecter mon malheur… Arsène ! Arsène ! est-il donc vrai que vous me soupçonniez ?

— Je ne vous soupçonne pas, balbutia-t-il.

— C’est donc un horrible jeu ! s’écria-t-elle. Dites-le-moi. Ah ! je veux que vous me le disiez.

Il se tut.

Julie retrouva son aïeule en prières : la vieille dame avait deviné, sinon entendu, tout ; elle pensait que sa fille n’avait plus de secours à attendre que du ciel.

— Oui, maman, c’est à vous de me sauver, dit la jeune femme. Mbi, je ne peux rien contre lui. Et pourtant, je cesserai de l’aimer. Oh F je le sens là.

Ce fut, en effet, dans la nuit suivante, que Julie consomma son premier sacrifice, en ensevelissant elle-même les restes glacés de son illustres-