Page:Le Présent - Tome deuxième, 1857.djvu/185

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
173
LE SPHYNX.

à son maître un énorme paquet qui sortait de la poste, cacheté d’ailleurs avec des soins infinis. C’étaient une vingtaine de journaux jaunis par le temps, toute l’Affaire du Glandier.

— Qui envoie cela ? s’écria-t-il.

L’imperturbable François examina les journaux avec une grande apparence de curiosité.

— Ah ! soupira-t-il, c’est peut-être un ami ! Monsieur les lira malgré lui, j’en suis bien sûr.

Lorsque Arsène sortit de sa chambre, après cette affreuse lecture, il marchait en s’appuyant contre les meubles, comme un convalescent. À peine se sentait-il mieux qu’il se dirigea vers le bois et passa tout le reste de l’après-midi dans la clairière. François avait quitté l’hôtel cinq minutes après son maître, pour courir tout d’un trait au petit château, où la femme de chambre l’attendait dans l’office. Mais le Crispin ne voulut plus se contenter du vin que lui versait la Dorine, il prétendit n’avoir plus affaire dorénavant qu’à la châtelaine elle-même.

— Qu’on le chasse, dit Anna, et qu’on le paye.

On le paya, et la soubrette revint la bouche pleine de détails nouveaux qu’Anna dévora.

— Il n’y a que moi qui connaisse assez ce pauvre ingrat, pour savoir combien il s’ennuie, dit-elle à la mairesse.

— François assure, reprit la soubrette, qu’il ne faut point laisser M. Onfray s’engourdir dans cet ennui-là. Hier, il avait demandé les journaux qu’il avait vus chez madame ; il voudrait aujourd’hui que madame retournât dans le bois !

Madame Éléonore ne devait pas connaître l’incident du mouchoir ; Anna fit taire la servante.

— Ah ! j’oubliais, dit-elle, qu’on y rencontre son maître.

La terrible mairesse prit aisément le change.

— Allons-y ! s’écria-t-elle.

— Il est trop tôt, répondit Anna.

XIII

Pendant quatre jours encore le carrefour du Roi demeura veuf de la divinité bocagère qu’y cherchait Arsène. L’envoi de ces fatals journaux lui avait donné pourtant une autre espérance. Tout à coup il apprit