celui-ci, des remords incomplets comme tous ses autres sentiments, En présence de Georges et de madame André, deux êtres qu’il estimait peu, il ne voulait point rabaisser davantage ce fier Lui-même qu’il estimait tant, et, penché aux côtés de la jeune femme, il se répandait en banalités comme de coutume : seulement il affectait de plus en plus de les dire à voix basse. Elle l’écoutait, car elle avait oublié tous ses griefs du jour ; mais elle ne se sentait pas heureuse de l’entendre il y avait une pensée importune qui l’assiégeait. Elle considérait, à la dérobée, sa mère et M. de Kœblin : était-ce donc bien sans appel que celui qu’elle aimait était condamné dans ces deux nobles âmes ?
Enfin elle ne put tenir plus longtemps contre cette angoisse. Son regard s’éleva vers Georges, humble, comme l’avait été un jour celui du jeune homme arrêté sur elle, — et ce jour-là même elle l’avait soupçonné ! Il n’y répondit pas d’abord, puis il laissa échapper un soupir et fit un signe de tête mélancolique ; mais, suivant l’interprétation de la jeune femme, il avait dit : Oui, ou l’avait voulu dire.
— Comme il m’entend, lui ! pensait-elle ; puis elle se leva.
Elle avait, par moments, la grâce un peu altière des plantes à longue tige, et, de tout ce que Georges aimait en elle, ce genre d’élégance était ce qu’il aimait le mieux. Il se renfonça donc dans son fauteuil en poussant un nouveau soupir et en murmurant à son tour :
— Comme elle me comprend !
Julie prit la main d’Arsène qui se laissa guider sans se douter en rien de ce qu’il faudrait faire, aussi galamment d’ailleurs que feu M. de Lauzun marchant à un menuet. La jeune femme le conduisit devant Georges.
— Que ce soit pour moi !… dit-elle en lui saisissant aussi la qu’elle mit dans celle du bel Onfray.
— Ne songes-tu pas à le réconcilier en même temps avec moi ? dit madame André à sa fille, lorsque celle-ci revint à sa place.
— Oh ! maman ! s’écria la jeune femme épouvantée de trouver sa mère si cruelle en un pareil instant.
Mais Arsène se rapprocha d’elle.
— Ne pouviez-vous du moins me laisser les honneurs d’une scène si touchante ? dit-il à voix basse et d’un air d’humeur.
— Le méritiez-vous ? répliqua-t-elle.
