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DÉCADENCE DE L’INDE.

vait pas avec lui soixante mille combattants. Darius n’avait pas armé tant de forces contre Alexandre.

Au lieu de marcher droit aux Persans, de leur couper les communications et les vivres, de les écraser sous le nombre ou de les faire périr de disette dans un pays qui lui était inconnu, cette multitude ne songea qu’à se couvrir par des retranchements de six lieues d’étendue ; aussi ce fut le petite armée Persane qui assiégea la grande, l’affama et la détruisit en détail. Mohammed-Schah semblait n’avoir fait parade de sa vaine grandeur que pour en faire hommage à des brigands aguerris. Il vint se rendre à Nadir, qui lui parla en maître et le traita en sujet. Dehli, ville alors plus grande et plus peuplée que Paris et Londres, vit entrer en triomphe dans son sein ce chef de Turcomans, traînant à sa suite le descendant d’Akbar et de Timour (1738).

Peu après, sous prétexte d’une conspiration mogole, Nadir mit froidement la ville à feu et à sang. Le pillage de tous les palais le rendit maître d’un butin qu’on estime à quinze cents millions de notre monnaie, puis, gorgé d’or et de massacre, il reprit après un court séjour le chemin de ses États, auxquels il annexa le Kachemir, le Caboul et le Moultah.

Sn quittant l’Inde, il avait solennellement replacé sur le trône le pusillanime monarque qu’il en avait si aisément précipité. La majesté impériale, avilie dans Mohammed, ne se releva point. L’empereur ne fut plus qu’un véritable mannequin, prisonnier d’un ministre, et que les partis déposèrent en lui crevant les yeux, pour élever au trône quelque enfant de la même race infortunée.

Né quelquefois dàns une prison, celui-ci ne tardait pas à y retourner, privé de la vue, après un règne nominal de quelques mois, rarement de quelques années, pour faire place à une nouvelle victime[1]. Pendant cette existence éphémère, ce descendant d’Une suite de conquérante n’était occupé qu’à vendre au plus offrant les provinces que lui enlevait la révolte ou qui ne lui rapportaient plus que des tributs contestés ou inexactement payés. Et ces investitures étaient une source toujours croissante de guerres civiles entre les soubabs, nababs et autres chefs musulmans ou indigènes qui se les disputaient. « Chaque prétendant levait des soldats : qui avait de l’argent avait une armée ;

  1. V. Jacquemont, Journal, t. Ier, p. 499.