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LE PRÉSENT.

une grande et royale tâche, dont la pensée au moins eût dû sourire au génie vaste et entreprenant de Babeur. Mais cinq ans à peine s’écoulèrent entre sa victoire de Panniput et sa mort. Son fils, Houmayoun, moins roi que chevalier, en butte aux séditions, aux guerres civiles, accablé de défaites réitérées, et qui, après seize ans de désastres, ne remonta sur le trône de Delhi que pour mourir, n’eut pas, dans son aventureuse carrière, un moment pour y songer. L’Afghan Shère-Schah, son heureux rival, habile homme de guerre et profond politique, sembla entrevoir qu’à cette tâche étaient liés le maintien sa puissance et le salut de sa mémoire. Il s’y dévoua résolûment, et son règne, de peu de durée, vit accomplir de grandes choses. De nombreux édifices publics élevés, des routes stratégiques et commerciales ouvertes sur un parcours de plusieurs centaines de lieues, le service dçs postes, organisé sur une échelle alors inconnue en Europe, des caravansérails construits, où tous les voyageurs, quelle que fût leur origine ou leur croyance, devaient recevoir l’hospitalité aux frais de l’État ; toutes ces mesures d’administration éclairée et de sage politique, recommandent le nom de Shère-Schah à la postérité, et protestant contre l’épithète d’usurpateur que les historiens lui ont accolée. Il ouvrit, et ce n’est pas un petit honneur pour sa mémoire, il ouvrit la voie que suivit Akbar, et dans laquelle ce fils d’Houmayoun déploya une finesse de ét une hauteur de vues qui font de lui la plus grande figura de l’histoire moderne de l’Orient et une des plus belles qui aient honoré un trône

Né dans l’exil, élevé dans le camp nomade de son père, soldat à treize ans, roi à quinze, Akbar, dès cette âge si tendre, sut déployer, comme le fils de Philippe, la bravoure d’un chevalier, le coup d’œil, d’un général consommé et la générosité d’un héros. Mais plus encore que le conquérant macédonien, il poursuivit, en dehors du tumulte des champs de bataille, au-dessus des émotions du triomphe, le bien-être des peuples que la Providence confiait à sa direction, l’apaisement des haines et l’oubli des griefs nés de leur division en catégories de vainqueurs et de vaincus. Nous avons dit ailleurs[1] comment, faisant de l’unité gouvernementale, de la fusion des intérêts, des préjugée et du sang même de ses peuples, le but suprême de son règne et de la tolérance son principal moyen, ce grand homme avait su trouver des instruments

  1. Inde contemporaine, conclusion.