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DÉCADENCE DE L’INDE.

Tel fut le début du pillage de l’Inde, auquel ont successivement concouru Usbecks, Turcs, Mogols, Afghans, Européens, et qui se continue encore après huit siècles et demi par les impôts, par les lois douanières et les monopoles commerciaux de la compagnie anglaise et enfin par les traitements énormes qu’elle alloue à ses agents de plume et d’épée.

Toute la vie de Mahmoud ne fut qu’une série de guerres ; après avoir poussé ses conquêtes à l’ouest jusqu’aux rivages de la mer Caspienne, il revint dans l’Inde, décidé à pénétrer jusque dans le cœur de cette contrée. Il menait avec lui cent mille cavaliers et vingt mille fantassins. Cependant, comme la contrée qu’il voulait envahir lui était à peu près inconnue, il prit des précautions qui témoignent de son habileté stratégique. Laissant sur sa droite es routes qu’il avait suivies précédemment et qui, traversées par sept larges rivières et défendues par des populations dont il connaissait l’énergie, offraient trop d’obstacles à l’invasion, il appuya vers le nord, le long de la base des monts Himalayas, où les rivières, moins profondes, sont presque partout guéables ; puis, après trois mois d’une marche lente et pénible, il tourna tout à coup au sud et parut à l’improviste devant Kanodje, l’antique Kanyakoubja, une des plus anciennes ville du monde, une des cités les plus respectées des Indous, qui y rattachent quelques-uns des plus grands souvenirs de leur passé sacerdotal et héroïque. La splendeur et la richesse de cette vieille métropole des Brighouides frappa d’étonnement le sultan de Ghusni, et si les récits des historiens musulmans sont dignes de foi, cet étonnement est facile à comprendre. Les remparts de Kanodje avaient trente milles de circonférence, et telle était la population qu’ils renfermaient, tel le commerce de celle-ci, que la vente du bétel seulement entretenait trente mille boutiques. Le rajah de Kanodje, héritier dégénéré de Paraçou-Rama et de Viçvamitra, ces colossales et austères figures des temps héroïques, ne songea même pas à se défendre et remit sa ville, son trône, sa famille et sa personne à la discrétion du vainqueur. Mahmoud épargna Kanodje et son rajah ; faisant à celui-ci d’affectueuses promesses qu’il se réservait de rompre plus tard, il marcha sur Muttrah, qu’il abandonna au pillage et dont il détruisit les idoles et profana les temples : il n’épargna que les palais des particuliers. Bien que musulman, Mahmoud se piquait de goût pour les beaux-arts et ne pouvait se résoudre à livrer à la destruc¬