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DÉCADENCE DE L’INDE.

ne le feraient de longues digressions, à quel degré de raffinement et de luxe était parvenue la civilisation brahmanique, et dans quel abîme de mollesse et de prostration elle était tombée.

Fils d’une sclave Turcoman auquel un jeu du hasard avait donné un trône, Mahmoud, le premier des disciples de Mohammed qui prit le titre de sultan, vieux mot arabe désignant le pouvoir royal et dont se sont parés depuis lui tous les souverains musulmans, Mahmoud tenait de son père la ville et le territoire de Ghusni, portion du Candahar qu’il ne tarda pas à trouver trop étroite pour son ambition. Ayant agrandi son fief aux dépens des principautés voisines, il tourna ses regards vers l’Inde et se décida à y porter ses armes jusqu’alors victorieuses. La terre ne pouvait lui offrir une plus riche proie et un plus vaste champ de conversions religieuses. Quel autre mobile fallait-il à un guerrier aussi avide que fanatique ? Il franchit l’Indus et marcha droit sur Lahore, dont le rajah vaincu tomba entre ses mains, comme autrefois Porus entre celles d’Alexandre. Moins généreux que le héros macédonien, Mahmoud ne relâcha son captif qu’au prix d’une rançon énorme, d’un tribut annuel et d’un serment d’allégeance et de vassalité. De l’aveu même de Férichta, l’historien des conquérants musulmans, le pauvre rajah semble avoir été terriblement pressuré par son vainqueur. Au moment de sa capture, il ne possédait pas moins de quatre-vingt mille livres pesant de joyaux ; il ne lui restait pas un bijou quand il rentra dans sa capitale. Bientôt aussi, ne pouvant supporter soit le désaveu de son peuple, soit la honte de sa situation, l’infortuné prince abdiqua en faveur de son fils ; puis, ayant fait élever devant son palais un immense bûcher funéraire, il y monta, y mit le feu de sa propre main, et, n’ayant pu vivre en roi, mourut du moins en saint, suivant les croyances de ses compatriotes.

Son fils, Anong-Pal, refusa de souscrire aux conditions auxquelles son père venait d’échapper par le suicide ; et sans doute, cette généreuse mais téméraire résolution eût été sur-le-champ cruellement punie par Mahmoud, si des troubles, subitement éclatés dans le Candahar, n’avaient rappelé le conquérant dans ses domaines héréditaires.

Dès le printemps suivant, il reparut à l’orient du Sind.

Si courte qu’eût été son absence, le jeune rajah de Lahore avait su la mettre à profit pour organiser la défense de ses États. Il ne lui avait pas été difficile de faire comprendre aux princes ses voisins quel