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LE PRÉSENT.

sière idolâtrie. À la personnalité humaine du bouddha Çakia-Mouni, ils opposèrent d’abord des dieux sortis comme lui de la souche ariane et de la caste des Kchattryas. De là tous les grands souvenirs du passé de la race ariane, noyés dans les brouillards fantastiques de la mythologie ; de là tous les héros et les sages qu’avaient chantés les vieux poëmes, enlevés aux annales humaines pour être imposés à l’adoration de la foule comme des avatars ou incarnations de Vichnou et de Çiva ; de là les générations déshéritées de tout exemple humain d’héroïsme, de dévouement, de moralité, de toute gloire, et de tout souvenir, au profit de ctfs deux divinités qu’à une époque, non précisée encore, doc considérations politiques avaient forcé les brahmanes d’admettre au sommet de leur Olympe, à côté de leur dieu patron ; de là, enfin, l’apothéose de Krichna et toutes les fables antiques, tôut le mysticisme rêveur des âges récents se résumant dans le culte de ce dieu nouveau.

Un monument sanscrit du cinquième siècle de notre ère, un poëme astrologique où se trouvent consignés les noms et les attributs des principales divinités du Panthéon brahmanique de cette époque, ne faisant aucune mention de Krichna, on ne peut guère errer en supposant que c’est au moment de la lutte contre le bouddhisme que ce dernier des héros de l’Inde antique a revêtu un caractère divin, et que les brahmanes se sont servis de sa légende romanesque et populaire pour émouvoir l’esprit des masses et pousser celles-ci controleurs adversaires. On ne se trompera pas davantage en cherchant les soldats de la croisade contre le bouddhisme et les exécuteurs des vengeances des brahmanes dans les tribus belliqueuses de Rajpoutes, qui émigraient alors de la rive droite sur la rive gauche du Sind, et qui, longtemps fidèles aux plus vieilles traditions des cultes védiques, adoptèrent avec une foi aveugle le culte de Krichna, flattés de retrouver dans ce héros déifié une manifestation de Vichnou, le dieu de leurs ancêtres.

Quelles que soient les modifications réservées à cette hypothèse par les découvertes futures de la science, toujours est-il que la défaite suprême du bouddhisme, l’apparition des Rajpoutes sur le sol de l’Inde et l’absorption dans leurs rangs, de ce qui restait de Kchattryas, sont trois faits coïncidant dans l’espace et dans le temps.

Mais une fois sur la pente glissante du passé, le brahmanisme ne put s’arrêter. En y cherchant des étais et des auxiliaires, il s’était