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DÉCADENCE DE L’INDE.

opprimés, protester au nom de la morale et réformer dans l’intérêt de l’avenir.

Loin de nous la pensée de comparer la mission de Çakia-Mouni à celle du grand Crucifié, ou de mettre même le génie dû fondateur du bouddhisme en regard du génie de Rousseau. Nous n’avons prétendu ftdre ressortir que la parité des situations sociales et les analogies de milieux séparés par tant de siècles. Tout parallèle entre ces trois noms est impossible.

Né sur les marches du trône, d’une famille de Kchattryas descendants de la race solaire des Gotamides ; doué à souhait, du côté de l’esprit et du corps ; époux, à dix-neuf ans, d’une compagne digne de lui, Siddhartha (ainsi se nommait le réformateur qui prit plus tard le titre de Çakia le Religieux) n’en fut pas moins saisi de pitié et d’effroi aux premiers regards qu’il jeta autour de lui sur le monde. Des légendes bouddhiques, presque contemporaines de sa prédication, ont peint, avec tme naïve énergie, ses premières impressions.

Un jour, qu’avec une suite nombreuse, il se rendait à un jardin auquel se rattachaient tous ses souvenirs d’enfance, il rencontra sur sa route un homme vieux, cassé, décrépit, portant sur son corps ravagé tous les symptômes d’une fin prochaine. « Ainsi donc, dit Siddhartha à son cocher, la créature ignorante et faible, au jugement erroné, est fière de la jeunesse qui l’enivre, et elle ne voit pas la vieillesse qui l’attend. Pour moi, je n’irai pas plus loin. Cocher, retournons au palais. Moi, qui suis aussi la demeure future de là vieillesse, qu’ai-je à faire avec le plaisir et la joie ? »

Un autre jour, il se dirigeait vers le même jardin quand 11 rencontra un homme atteint de maladie, en proie à une fièvre ardente et respirant à peine : « Là santé, dit le jeune prince, est donc comme le jeu d’un rêve, et la crainte du mal a donc cette forme insupportable ? Quel est l’homme qui, en y réfléchissant, pourrait désormais avoir l’idée de la joie et du plaisir ? » Et ce jour-là encore Siddhartha n’alla pas plus loin.

Une autre fois, il retournait à ce lieu de promenade quand il rencontra sur la route un cadavre porté dans une bière, couvert d’un linceul et entouré du cortège de ses parents en deuil, versant des larmes, sanglotant et poussant des cris. Le prince, prenant encore son cocher à témoin de ce spectacle lamentable, s’écria : « Ah ! malheur à la jeunesse