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BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.

Les Élus de l’avenir ou le Progrès réalisé par le Christianisme, par Paul Auguez, avec une introduction d’Henri Delaage.


Je suis toujours fâché de voir nn homme de cœur et de talent se fourvoyerdans une tâche qui me semble impossible. M. Paul Auguez a toutes les ardeurs et toutes les imprudences de la jeunesse ; il a serré le ciel et la terre dans ses bras et il leur a demandé le grand secret. Je crains bien qu’ils n’aient pas répondu. Le volume publié par M. Paul Auguez essaie la conciliation non pas de la religion et de la philosophie, ce qui est une chimère simple, mais de la religion et du magnétisme, ce qui est une double chimère. Ce qui sauve ce livre, c’est la foi, une foi profonde et qui saisit le lecteur dès les premières lignes. Je ne partage pas les opinions de l’auteur, je reconnaîtrai cependant volontiers chez lui une qualité rare de nos jours, l’audace de la conviction. J’avais toujours regardé le magnétisme comme le passe-temps des gens oisifs et l’amusement des jolies femmes ; à ce qu’il paraît, le magnétisme est une science ; M. Paul Auguez en est le docteur, docteur éloquent. Je ne veux pas lui accorder d’autre éloge ; je crains cependant d’aborder la critique, elle serait si abondante ! Il n’est plus permis de nos jours d’en venir à de pareilles questions avec la foi seulement et l’extase ; le siècle est positif, et en pareille matière il a raison. J’aurais compris un volume de vers, je ne comprends pas cette prose toute faite d’adjectifs, d’épithètes et d’élévations sans raison ni rime. Ce que je n’aime pas c’est l’absence de la rime. À franchement parler, monsieur Paul Auguez, que diraient vos maîtres, les grands hommes dont vous vous inspirez, MM. de Châteaubriand et Joseph de Maistre, de la manière dégagée avec laquelle vous abordez les mystères, et quelle tristesse ne saisirait pas un véritable catholique orthodoxe et sincère ? M. Hume est votre sibylle, M. de Caston votre grand-prêtre ; votre religion un tour de gobelet et une passe sur les yeux. Peu m’importe la forme quand j’ouvre un livre de cette nature ! j’y cherche la révélation ; hélas ! je ne l’ai pas trouvée chez vous. Vous levez les bras au ciel, vous prenez Dieu et les hommes à témoin, vous faites une suite de péroraisons quand nous demanderions la rectitude et la sûreté d’un livre de mathématiques. Des théorèmes et des corollaires ? dites-vous d’un air dédaigneux. Mon Dieu, monsieur, pourquoi, quand tant de belles choses vous sollicitaient, quand vous pouviez faire, j’en suis certain, un beau poëme ou un beau livre de prose, avez-vous voulu nous catéchiser et nous annoncer la bonne nouvelle ? Nous avons assez d’un évangile ; pas n’est besoin que vous en fassiez un nouveau, surtout si ce doit être l’évangile du magnétisme. Vous êtes savant tout écrivain, homme de phrase et de sentiment ; laissez le redoutable problème de l’avenir à agiter aux prêtres et aux médecins. Vous avez voulu babiller un squelette, vous l’avez parfumé et ceint de fleurs de rhétorique, vous avez eu tort. On étudie un squelette, on l’examine d’un œil froid et avec la passion calme de la science, mais on ne s’asseoit pas au banquet des poëtes.


Le Secrétaire de la Rédaction.
Paris. — Impr. Walter, rue Bonaparte, 44.