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CHRONIQUE.

toutes les fleurs et à toutes les épines ; il faut qu’il vive pour être heureux, pour nous faire des vers charmants, et recevoir tout entier le prix de son talent ! Les poètes, ils sont si rares par le temps qui court ! S’il s’agissait encore d’un savant ! Et pourtant, quel vide va laisser la mort de M. Quatremère de Quincy, frappé l’autre jour tout d’un coup, et enterré mardi dernier à Saint-Germain-des-Prés. Tout l’Institut se trouvait là, et dans la foule j’ai reconnu ceux qui aspirent à le remplacer. Tous sont dignes de cet honneur, et j’applaudirai quel que soit le nom qui sortira de l’urne.

Il y a loin du cimetière à la rue Vivienne. Passons pourtant, si vous voulez, par la Bourse, et voyons ce que fait la rente ! C’est que le temps n’est plus où cinq cents individus à peine s’occupaient du cours, où l’on ignorait jusqu’au premier mot de cette langue nouvelle, de cet argot parlé de une heure à trois et de huit à dix. Là viennent aboutir maintenant tous les intérêts, là se dessinent des physionomies singulières, des types curieux et des caractères dignes d’étude. Depuis quelque temps même, la bourse est à l’ordre du jour. La littérature dîne chez les banquiers. Ces messieurs enlèvent la réclame à la pointe de la fourchette, et il n’est question ici et là que de messieurs les millionnaires. Je parlais l’autre jour de M. Mirès et de ses articles sur les Manieurs d’argent, de M. Oscar de Vallée, un magistrat célèbre, qui joua un rôle assez important dans le procès de Bourges, et se fit, au milieu de ce bruit et de tout ce tapage, une assez belle position. L’Empereur a écrit à M. Oscar de Vallée une lettre de remerciements, en le félicitant d’avoir attaqué le mal au vrai moment, et montré le danger des spéculations hâtées et des entreprises intéressées.

D’un autre côté, quelques jours avant, il avait reçu en audience particulière M. Pereire, le président du Crédit mobilier, et le grand financier a, dit-on, gardé, de cette entrevue, un excellent souvenir. Est-ce au retour de M. Pereire qu’il faut attribuer la hausse subite, cette reprise inattendue ? Le public croit trop facilement peut-être à ce pouvoir des grands banquiers, d’entraîner à leur gré les cours, de dominer la place et de tromper l’opinion. C’était jadis plus vrai. C’est bien différent aujourd’hui. Tout s’est aplani, confondu, mêlé, l’harmonie règne, et bientôt l’exemple ne sera plus donné des fortunes faites en un jour ou défaites en une nuit.

À propos de bourse, celle de New-York va bien mal. Chacun fait faillite depuis le jour où Carpentier et Grellet sont venus demander asile à ces Américains si Écossais sous le rapport de l’hospitalité, si larges sur certaines questions de justice. Pauvre Carpentier ! pauvre Grellet ! ils espéraient, avec quelques années de prison, un peu de gloire. Ils valaient bien la peine que tout Paris courût au tribunal pour les dévisager, et l’on devait crier leur portrait dans les rues ! Dans une lettre qu’écrit l’un d’eux, il parle de l’accueil charmant qu’on lui a fait sur le navire. Il se trouvait mal dans l’entrepont, on l’invite gracieusement