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LE PRÉSENT.

Dans ma jeunesse, lorsque je rôdais curieux autour des théâtres en plein vent, mon oreille crédule était toujours agréablement chatouillée par cette phrase : On ne paie qu’en sortant, si l’on est content. Sans jamais compromettre ses recettes, M. Émile Augier peut laisser entrer le public le plus varié aux mêmes conditions. Verts galants, dévotes, amoureux, maris, tout le monde sortira satisfait, chacun aura son compte, même les gardiens de la morale. Je n’oserai en dire autant des critiques de bonne foi. — Entrez donc, messieurs, entrez ! il y en a pour tous les goûts. Ici on se confesse, on s’aime sans sortir des bornes de la décence mondaine, et en même temps une petite part est faite aux amateurs du propos leste. La vertu aux abois, le remords, la paternité, le cocu imaginaire et Arnolphe, tout cela grouille dans cette œuvre ; elle a même un bon duel au service des cœurs belliqueux, et des idylles pour les âmes champêtres.

Je ne saurais, par exemple, me défendre de plaindre le sort de l’amoureux Stéphane. On le repousse, on l’attire, on l’envoie à l’auberge, on le marie, on lui commande de rester célibataire ; on le fait jouer au piquet, à cache-cache ; il refuse, il est vrai, la partie de billard, mais il part définitivement congédié dans une scène renouvelée de la Clémence d’Auguste.

Tout le long de la pièce, le mari, lui, est ce qu’on appelle vulgairement un pot au feu, quoique riche. Sa femme, pauvre Gabrielle ! surveille la brosse vigilante, présente la chemise à son seigneur et maître, remplace les boutons absents et prépare des chambres de belle taille (sic) aux étrangers. Ces sollicitudes valent une couronne poétique égale à celle du Tasse.

Mais voilà la mine effarée de Stéphane. Que s’est-il donc passé ? — M. Tamponnet s’est mouillé des pieds à la tête. — Eh bien, qu’il se sèche et se change. — Ignorez-vous que M. Tamponnet ne saurait accomplir un acte aussi important de la vie sans le ministère de sa femme ! — C’est à l’aide de semblables moyens que M. Émile Augier se débarrasse des personnages incommodes à l’intrigue, et qu’il arrive piano, piano, sans encombre, au dénoûment. Un de mes amis, jeune, il est vrai, sortait assez désappointé de cette représentation. « Je croyais, me dit-il, M. Émile Augier poëte, et je viens de me convaincre qu’il n’a pas même le don d’exprimer clairement sa pensée. — Pardonnez-lui donc, répondis-je d’une voix évangélique, pardonnez-lui, puisqu’il ne sait ce qu’il dit. »


Vous connaissez tous la figure cosmopolite de Charles-Quint. Sans cesse environné de profonds politiques et d’illustres guerriers, ce grand homme traverse infatigablement les parties éparses de son empire.

François Ier, Henri VIII, Barberousse, les Turcs, le Pape et Luther sont tour à tour ses adversaires.

Malgré les efforts incessants de cette main robuste, les morceaux hétérogènes