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SCIENCES ET INDUSTRIE

même mis en pratique, son application ne grandit que lentement, par rapport du moins à la vie de l’homme ; le vulgaire s’aperçoit souvent à peine de la transformation qui s’opère ; mais le penseur franchit les siècles futurs, il tire des principes leurs dernières conséquences, et voit d’avance se renouveler la face des industries, des mœurs, de la civilisation elle-même.

Il est une industrie qui est évidemment dans une période de transformation et qui touche peut-être à une rénovation complète, au moins dans certaines contrées : c’est celle de la production de l’acier. Je ne veux pas entretenir le lecteur de tous les efforts tentés par les fabricants français pour élever leur fabrication à la hauteur des produits anglais. Je compte revenir plus en détail sur ce sujet dans une autre occasion. Je veux seulement parler d’une invention tout à fait originale, due récemment au génie d’un de nos compatriotes.

Je ne sais plus qui disait que, si l’on réunissait tout ce qui a été écrit sur la fabrication du fer et de l’acier, il y aurait de quoi alimenter pendant plusieurs jours un haut-fourneau. C’est qu’en effet, la production du fer et surtout celle de l’acier est une des opérations les plus complexes que l’on puisse imaginer. D’une part, le minerai de fer est extrêmement variable suivant la localité, soit dans sa composition, soit dans celle de sa gangue, et malheureusement les moindres impuretés, même en proportion minime, peuvent altérer la qualité des fers. Aussi, quels que soient les efforts tentés par les plus habiles et les plus persévérants ingénieurs, quels que soient les soins apportés à la fabrication, la qualité des produits subit irrévocablement l’influence de la nature et de la provenance du minerai. Tout le monde sait que le minerai de fer est ordinairement réduit dans d’énormes fourneaux, d’où le métal sort à l’état de fonte, combiné avec des proportions diverses de carbone, et avec d’autant moins de silicium, de phosphore, de soufre et d’arsenic, que le minerai est de meilleure qualité, et que l’opération a été mieux conduite.

Pour obtenir le fer proprement dit, ou fer ductile, on affine la fonte, c’est-à-dire que, dans une opération spéciale, on lui enlève la plus grande partie du carbone et du silicium qu’elle contient. Pour cela, on la soumet à l’action d’une haute chaleur et d’un-fort courant d’air ; les deux corps que nous venons de nommer s’oxydent avant le fer ; la fonte perd en même temps sa fluidité, et le fer reste dans le fourneau sous forme d’une masse spongieuse, mêlée de scories. On porte alors cette masse incandescente sous un marteau puissant qui en exprime les impuretés, puis on la façonne en barres.

La fabrication de l’acier, qui est une combinaison du fer avec une proportion assez minime (1 à 2 de carbone pour 100), se fait par deux méthodes.

La première paraît au premier abord la plus rationnelle ; elle consiste à ne décarburer la fonte que partiellement, en arrêtant l’opération lorsque la matière est encore assez riche en carbone pour constituer de l’acier. C’est ainsi que s’ob-