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LE PRÉSENT.

Marguerite attendait le soir avec impatience, afin de pouvoir porter à ses protégés de la cabane de l’étang Joli les soins et les provisions dont ils avaient besoin ; aussitôt que les étoiles furent allumées au ciel, quand tout dormit dans la maison, elle entassa dans un panier du pain, des viandes froides et du vin, et se disposa à aller continuer son œuvre de charité.

Au bruit qu’elle fit en poussant la petite claie de branches d’osier mal jointe, le jeune officier, étendu sur son lit de mousse, chercha de la main son sabre qui était posé à côté de lui et leva la tête. En apercevant Marguerite, sa charmante figure, où la douleur avait mis sa pâleur et creusé son sillon, s’illumina d’un sourire ; il essaya de se lever et balbutia quelques mots que Marguerite entendit à peine. Elle-même était en proie à un trouble inexprimable. Le jeune homme était seul. Elle avait compté trouver avec lui son vieux serviteur, elle le chercha des yeux ; il n’y était pas.

— Et votre domestique ? dit-elle, en posant son panier à terre.

— Michel, mademoiselle, il est sorti pour aller chercher de la nourriture. Il n’a rien pris d’aujourd’hui.

— Sorti, le malheureux ! Quelle imprudence ! Avez-vous donc cru que je vous abandonnerais ? Si on le rencontrait, ce serait fait de lui.

Le jeune homme ne semblait point écouter les paroles de sa jolie protectrice, il la regardait et un sourire voltigeait sur ses lèvres. Ilne répondit rien. Embarrassée de ce silence, Marguerite reprit : — Mais vous-même vous devez avoir besoin de quelque chose ?

— Oui, tout à l’heure ; maintenant je vous vois et je suis heureux.

Il prit la main de la jeune fille, la porta avec effort jusqu’à ses lèvres et la baisa. Marguerite rougit.

— Allons, monsieur, dit-elle en cherchant à retrouver un peu de l’assurance qu’elle avait dans leur première rencontre, vous vous fatiguez, et vous ne songez pas que vous êtes malade. Comment va votre blessure ?

— Mieux, mieux, merci ; toujours mieux.

Le jeune homme se trompait évidemment ; ses yeux brillaient du feu de la fièvre, sa respiration haute et entrecoupée sortait avec bruit de sa poitrine saignante, et ses joues pâles brillaient par instant d’une rougeur factice. Marguerite, à la vue de l’enfant blessé, sentait peu à peu s’évanouir son trouble, et sa chaste pitié de garde-malade reprenait toute sa force.

— Allons, fit-elle, en courbant doucement avec sa main frêle la tèête de l’officier sur le lit de feuillage, du repos et de l’espoir. Point de bruit, point d’imprudence, et tout ira bien. J’ai apporté ici de quoi manger, mais c’est pour plus tard ; maintenant vous avez de la fièvre et je vous mets à la diète ; mais il faut que je voie votre blessure.

Toutes les femmes, comme je l’ai entendu dire spirituellement, sont plusou moins