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LE PRÉSENT.

dans le livre de M. de Cassagnac à l’endroit du gouvernement dont je parle. 11 a si bien fait les affaires des partis dont M. de Cassagnac a été le polémiste attitré, il a, par ses peurs, par ses abus de paroles, par ses faiblesses, vacillant dans l’émeute de chaque jour, été une apologie si complète de leurs peurs, de leurs excès de tribune et de leurs faiblesses, assises de façon stable au moins, sur la boue desséchée et durcie des intérêts !

Mais ceux qui ne peuvent être indulgents, ceux dans la bouche desquels le pardon ne peut se rencontrer, ce sont ceux qui avaient suivi ces hommes, ceux qui ont laissé leurs âmes suivre dans le vide les ballons gonflés de vent de leur éloquence.

Je lis une phrase navrante dans un petit livre intitulé : l’Argent, qui porte pour armes parlantes à son frontispice une pièce de cinq francs :

« Nous sommes là une génération toute neuve que Février surprit au seuil de l’âge mûr, esprits honnêtes ! âmes ardentes ! nous descendîmes au champ de foire ; la parade était sublime, l’orateur de la troupe électrisait les cœurs, la caisse battait, on ne voulait que la vie ou la liberté ! nous offrîmes le prix des places. »

Et ce jeune homme continue en raillant sa foi passée et ses dieux évanouis. En vérité, les gouvernants de ce temps ont été plus coupables encore que M. de Cassagnac ne le dit. C’est au nom de ce jeune homme et de tous ceux qui lui ressemblent, de tous ceux qui arrivaient confiants prêts aux grands choses, tout embarbouillés de jeunesse, d’audace et de foi, que je voudrais leur voir faire une bonne fois leur procès. C’est, en effet, de ceux-là surtout qu’ils sont responsables. Ils étaient jeunes, ils étaient purs, ils ne lisaient point l’Époque, ils se consolaient du système en rêvant de Hoche, de Desmoulins et de Marceau ; aujourd’hui,huit ans après, ils sont vieux, viciés, et rèvent de Fabrice Dury (d) 14 novembre 2022 à 22:10 (UTC)MM.|Péreire, Mirès, Michaud et Rothschild, fort honnêtes gens sans doute, et dont les coffres sont mieux garnis que les pauvres bourses de ces héros républicains ; mais, vraiment, est-ce là tout ?

M. de Cassagnac juge sévèrement le général Cavaignac. Il répète contre lui les accusations de faiblesse cachée sous une apparence de force, d’aspirations au despotisme républicain ; il ne peut surtout lui pardonner son inflexible attachement aux principes et son dévouement calme, stoïque, sans phrases, à cette République qui, tout enfant, les adopta comme une aïeule, lui et son frère Godefroy, au foyer paternel. Que M. de Cassagnac en prenne son parti. M. le général Cavaignac restera comme une des belles figures de ce temps. Il a eu ce malheur, après avoir été la défense de la République, d’en être un moment la vengeance ; il a porté dans les plis de son caban d’Afrique l’avenir des nationalités, la vie de l’Italie, la vie de la Hongrie, et il les a laissés mourir ; pris un peu à l’improviste par le gou-