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LE PRÉSENT.

vant le public. On l’a courageusement applaudi, et j’ai battu des mains comme un vrai fanatique. Pourtant c’est une soirée malheureuse pour le grand artiste. Avec son talent, que dis-je, avec tout son génie, cet homme ne peut gagner deux victoires de suite. On le dirait, comme les péros dont il crie les passions, victime de la fatalité.

Et celle-ci, sous son pourpoint de soie, sous ses vêtements de garçon, vous fait-elle rire ou bien pleurer ? Pauvre Déjazet ! elle a donc eu les vices charmants de ses héros, elle a été prodigue, un peu folle, elle a dépensé, sans souci du lendemain, sa jeunesse et son or ! Est-elle joyeuse, croyez-vous, quand elle vient chanter encore la chanson de Lisette et l’air de Gentil-Bernard ? J’ai cru, moi, l’autre jour, qu’elle avait des larmes dans la voix, et qu’elle avait grand peine à gambader, à rire frais, à marcher leste. Si c’est l’amour de l art qui l amener encore jeune je le veux bien, mais bientôt vieille, sur les planches des Variétés, la bonne fille, il ne me reste qu’à saluer son courage ! Si c’est pour préparer il sa vieillesse un abri, quelles tristes réflexions ! Tournons-nous, pour retrouver le printemps et la belle jeunesse, vers cette charmante Mlle Teissaire, toute fraiche venue, que le directeur des Variétés a eu le bon esprit de s’attacher, et qui sera dans un an, je vous le parie, accablée de couronnes et chargée de lauriers. J’ai eu le bonheur de la voir déjà, sur la scène du Vaudeville, dans la Bataille de la me, de M. Mélesville, et alors je regrettais qu’on emprisonnàt dans un rôle étroit tant de distinction, de réserve et de grâce. C’est un jeu fin, délicat et sobre, croyez à ma prédiction, et moissonnez déjà les fleurs pour lui tasser des bouquets.

Triste nouvelle ! Le feu a pris lundi dernier au Moniteur. La bibliothèque tout entière a été la proie des flammes. La collection du journal, complète moins deux volumes, n’existe plus. C’est un véritable malheur On regrette aussi que l’incendie ait brûlé, dans le cabinet de M. Julien Turgan, toute l’armée des manuscrits. Mais c’est là, je crois, une perte qu’on peut réparer. J’ai désiré, parfois, que le même malheur atteignit à tous les monuments de Paris, pour que le lendemain, sur les cendres encore fumantes de l’édifice écroulé, une nouvelle génération vint jeter les bases d’un art nouveau et faire le poëme de pierre du xixe siècle. La rédaction m’a défendu de mettre le feu.

MAX.
Étienne MELLIER, Directeur.
FIN DU PREMIER VOLUME.
Paris. — Impr. Walder, rue Bonaparte, 44.