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LE PRÉSENT.

incessantes. C’est que, sans le privilége, Furetière rentrait dans le droit commun ; il n’avait plus fait que ce qu’a fait de notre temps, par exemple, Charles Nodier, en attachant son nom à des vocabulaires qui n’émanaient point de l’Académie. Malheureusement le privilége existait : il existait si bien que dix ans plus tard nous le retrouvons imprimé tout entier en tête de la première édition du Dictionnaire de l’Académie.

Tout ce que l’Académie avait donc à dire à Furetière, c’était ceci :

« Vous avez contrevenu à nos prérogatives ; vous avez failli à votre devoir d’académicien, en travaillant, à notre exclusion, à un ouvrage dont tous les éléments devaient faire retour au travail commun : nous vous excluons. »

C’était son droit. — Mais, comme on le sait déjà, l’Académie ne s’en tint pas là. Elle voulut que le mauvais confrère déshonorât l’écrivain. Elle chercha à établir que non-seulement Furetière avait travaillé en dehors d’elle, mais qu’il avait travaillé à ses dépens. Voilà l’injustice.

Prenons la relation de d’Olivet, publiée quarante ans environ après la mort de Furetière ; et n’oublions pas que d’Olivet fut l’apologiste de la compagnie et qu’il écrivit d’après ses registres.

« L’Académie, dit-il, apprit, le 14 août 1684, que Furetière, un de ses membres, avoit surpris un privilége du grand sceau pour l’impression d’un Dictionnaire universel où, suivant le titre qu’il en avoit montré à l’approbateur, il ne faisait entrer que les termes des arts et des sciences, mais où, suivant le titre inséré dans le privilége, il faisoit entrer tous les mots français, tant vieux que modernes, et par conséquent tout ce qui devoit composer l’ouvrage de l’Académie, qu’on le soupçonnoit d’avoir pillé… l’Académie dissimula ses soupçons le reste de l’année 1684. Ce ne fut qu’au commencementde l’année suivante, qu’étant avertie qu’on imprimoit actuellement le dictionnaire de Furetière, elle indiqua, lui présent, une assemblée extraordinaire où il serait interrogé là-dessus ; il ne s’y trouva point. »

Les pourparlers commencent. L’abbé Régnier, secrétaire, se rend en personne chez Furetière pour lui intimer l’ordre de comparaître. Le président de Novion, alors directeur de l’Académie, intervient pour concilier les choses : il obtient que Furetière sera mandé chez lui, et que l’Académie enverra des commissaires pour recevoir ses explications.

On s’assemble : l’Académie, représentée par ses commissaires, produit son privilége : Furetière donne lecture du sien. C’est alors que Charpentier aurait constaté cette irrégularité, cette falsification de titre que Furetière a toujours niée. Cette nouvelle charge, fût-elle prouvée, était au reste bien inutile, car, comme je l’ai déjà dit, sur la question du privilége, Furetière avait infailliblementperdu.

Sur la question de plagiat, c’était différent. Voyons cependant ce que dit d’Olivet :