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LE PRÉSENT.

corps eut-il assez d’empire sur l’esprit des académiciens pour leur faire rapporter leurs exemplaires, après que la suppression de ces premières feuilles eût été résolue. Quoiqu’il en soit, Mézeray, lorsqu’il mourut, en avait encore un en sa possession, ainsi que d’autres papiers appartenant à l’Académie, et qu’elle fit réclamer par un de ses membres aux héritiers. Cet académicien député dans cette circonstanceaux héritiers de Mézeray fut précisément Furetière ; ce qui prouverait que jusqu’alors il n’avait pas trop démérité de la confiance de ses confrères. Voici maintenant ce que raconte Charpentier sur cette mission :

« Il nous rapporta avec fidélité tout ce qui se trouva de ridicule à l’inventaire de son amy Mézeray et garda avec soin tout ce qu’il devoit rapporter à l’Académie. Mézeray, avec un Dictionnaire imprimé jusqu’à la lettre M, avoit les cahiers du reste que l’on revoyoit tous les jours. Le fidèle député vola l’exemplaire imprimé, en cahiers, un tableau que… avoit laissé par testament, et rapporta un vieux portefeuille de quelques papiers volants qui contenoient quelques délibérations de la compagnie et quelques copies de harangues de ceux qui avoient été reçus. Le voilà riche en un jour de son Dictionnaire achevé. Il copie avec diligence et change quelques mots au commencement et songe à avoir un privilège… etc… »

Mézeray mourut en juillet 1683. Si l’on se rappelle que Furetiere a dit avoir montré son manuscrit achevé en 1684, ce qui doit être vrai puisque le privilége, surpris ou non (nous le verrons tout-à-l’heure) est à la date du 24 août de cette année, — ce serait donc — au plus — un an que Charpentier accorderait à Furetière pour avoir fait cet ouvrage énorme remplissant quinze caisses où deux mille personnes l’ont vu ? c’est-à-dire la moitié du temps nécessaire, au dire de l’auteur pour le copier !

« Quelle apparence, répond Furetière, à ce qu’ils allèguent pour colorer leur calomnie, que j’en ay volé un (exemplaire) lors que je fus député par l’Académie pour assister au scellé du sieur de Mézeray, puis que j’étois assisté du sieur Le Clerc et du sieur abbé de La Chambre qu’on m’avoit donnés pour collègues, et qu’il se levoit en présence de plusieurs héritiers et créanciers animés qui ne laissoient pas délivrer la moindre chose qu’après beaucoup de contestations et une bonne décharge de l’inventaire ! »

Il est vrai que suivant d’autres dires, rapportés par Furetière lui-même (Voy. 2e factum), il aurait eu soin d’arriver à chaque séance de l’Académie une demiheure avant tout le monde pour se donner le temps de copier le travail de sa séance précédente. Mais outre que cette demi-heure me paraît bien peu de temps pour une si grosse besogne, Furetière n’avait-il pas eu entre les mains, aussi bien que tous ses confrères, un exemplaire de ce premier tirage condamné par Mézeray et qu’il avait pu transcrire à loisir ? Et dès lors — qu’avait-il besoin d’aller voler l’exemplairede Mézeray ?