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LE PRÉSENT.

rence, est entre l’ancienne rhétorique, la rhétorique des troupes et des figures, et la doctrine alors nouvelle de l’usage et du bon goût. Néanmoins, Furetière, suivant le préjugé des gens de lettres de son temps, confond, ou affecte de confondre dans le mépris de la vieille grammaire scholastique, les partisans de la rime riche et du style pittoresque.

Les troupes de galimathias, battues et dispersées, sont exilées aux pays lointains de pédanterie et de gymnasie ; et la liberté de conscience est proclamée en matière de langage.

M. Wey induit du beau rôle donné dans ce petit ouvrage aux membres de l’Académie, que l’auteur, en le composant, songeait déjà à poser sa candidature. Tout ce que j’en veux tirer, c’est la preuve de la vocation incontestable de Furetière pour les études de linguistique ; la preuve que, dès cette époque, il y était manifestement versé.

Car tout le procès est là : Furetière n’était-il, comme le prétendent ses adversaires, Tallemant, Charpentier, etc., qu’un misérable plagiaire, qu’un spéculateur aux abois que la facilité de dérober le travail de ses confrères détermina seule à entreprendre un travail auquel il n’était pas préparé ? ou bien, comme il l’affirme lui-même et comme le répètent après lui les éditeurs du Dictionnaire universel, cet ouvrage fut-il la pensée et l’occupation de toute sa vie ?

Or, ainsi que nous l’avons déjà remarqué, le principal mérite des poésies de Furetière n’est pas tant dans la correction que dans la souplesse et la richesse du style ; dans cette facilité de tout peindre et de tout exprimer qui n’appartient qu’aux écrivains rompus à l’étude et maîtres de toutes les ressources du vocabulaire. L’Allégorie des troubles du royaume d’Éloquence est un pamphlet de grammairien, presque de pédant. Furetière pouvait donc, dès lors, passer pour un écrivain consommé dans ces matières, et l’Académie fit une excellente acquisition en s’associant un homme dont les lumières pouvaient profiter utilement à ses travaux.

Une fois élu, Furetière continua de prouver sa vocation par son assiduité au travail du Dictionnaire. Charpentier, il est vrai, trouve moyen d’incriminer son zèle en lui donnant pour mobile une avarice ridicule. Il raconte là-dessus une jolie anecdote, comme quoi Furetière, à la fin de chaque séance, écrivait son nom en tête d’une feuille de papier pour s’assurer d’être le premier inscrit sur la liste de présence à la séance suivante. Ce sont là de ces accusations mesquines, misérables, auxquelles on ne répond, si encore la réponse paraît bien nécessaire, qu’après avoir épuisé la question fondamentale. Continuons donc d’examiner sérieusement ce qui, dans les allégationsde Furetière, peut réfuter l’accusationde plagiat en établissant sa capacité et sa bonne foi.