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LE PRÉSENT.

La France entière plaignit M. de Saint-Arnaud. Tous les dissentiments politiques disparurent dans la pitié et l’admiration. La mort, en détruisant le corps périssable des grands hommes, fonde leur statue immortelle. Chacun ne voulut plus le voir que dans son attitude dernière, languissant de fièvre, enflammé d’héroïsme, corps en ruine, âme inébranlable. Il tomba avec le geste du commandement et par la pensée poussant encore les ennemis dans leur défaite qui l’immortalisait.

La correspondance de M. de Saint-Arnaud fera autant pour la gloire de son nom que sa victoire. C’est comme un trépied sur lequel brûlera éternellement la flamme de son esprit, de ses généreuses ambitions, de son patriotisme et de son courage. On l’y trouvera toujours tout entier, triste, gai, abattu, relevé, nature complexe et mobile, embrassant dans ses replis infinis toutes les nobles pensées, tous les bons instincts, sans cesse prêt pour le combat et pour un bon mot, sentant couler dans ses veines les ardeurs les plus fécondes et la plus pure richesse du sang français.

Le cœur palpite, l’esprit étincelle à chacune de ces lignes écrites sur le genou ou sur un tambour, à l’ombre du drapeau, aux feux du bivouac. La gaîté et la bravoure y battent tour à tour, comme deux mains amies, le pas de charge vers la gloire. Aussi bien que dans les hommes de Plutarque, on y pourra apprendre l’amour de la renommée, le mépris du danger, le dévouement à l’honneur, même au prix du sang. On y admirera l’écrivain, on y saluera le capitaine, on s’y sentira pris d’un invincible attrait pour l’homme. L’affection fraternelle qui a publié ces lettres pour dissiper certaines calomnies, et associer à ses regrets tous les hommes de cœur, peut se réjouir dans son attente. Elle ne sera point trompée.


Alexandre MONIN.