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LE PRÉSENT.

sées occupaient et remuaient à la fois. On a dressé le buste du Maréchal dans la cour du lycée Henri IV, où il a été élevé, et c’est justice. Les noms des anciens camarades reviennent souvent dans ses lettres. Général en chef de l’armée d’Orient, et au milieu des soucis que lui donnaient la maladie et le commandement, il avait un mot pour une défaite du collége qui s’honorait de lui :


« Alfred de Wailly, écrivait-il, dans son discours de distribution des prix, sur les drapeaux brisés de ses jeunes soldats défaits et bien vaincus, a prononcé mon nom. Remercie-le de ce souvenir amical. »


Toujours et partout, comme on le voit, l’accent militaire, la note du clairon qui passe. De tous les hommes de guerre qui nous ont laissé leur âme dans leurs écrits, je ne connais que Montluc qui ait eu au même degré cette passion du combat, cette soif et cette faim du danger. L’amour des armes enveloppe et domine chez M. de Saint-Arnaud tous les autres amours. Il est soldat avant tout ; je ne dis pas général, mais soldat, grenadier ; il rêve de poudre, et, tout artiste qu’il est, le plus ravissant des orchestres ne plaît point tant à son oreille qu’une bonne fusillade.


« Cher frère ! la guerre ! voici la guerre ! vive la gloire ! Nous sommes en pleine révolte d’Arabes ; les coups de fusil roulent comme en 1840 et 1842. »


On conçoit qu’avec un pareil tempérament, M. de Saint-Arnaud ait gravi assez rapidement les divers degrés de la fortune militaire. La politique le prit général de division et le fit maréchal de France. Déjà il s’était exercé aux grands commandements dans sa subdivision de Constantine, d’où il avait pu dire :


« Je règne, et je règne presque sans contrôle ; je n’ai ni chambres pour me contrôler, ni ministres pour me conseiller ou me contrarier : c’est la plus belle époque de ma vie. Je suis ici barre de fer ; rien ne doit être fait que je le sache et par mes ordres. Il n’y a que manière de prendre les gens ; j’ai l’air d’avoir une grande déférence pour leurs avis dans les petites choses, et je n’en fais qu’à ma tête. »


L’habitude d’une pareille domination l’avait admirablement préparé à la responsabilité et aux fatigues nouvelles qu’il sollicita de l’Empe-