Page:Le Présent, année 1, tome 1, numéros 1 à 11, juillet à septembre 1857.djvu/466

Cette page n’a pas encore été corrigée
458
LE PRÉSENT.

obscures pour y chercher de quoi faire tache à ses années éclatantes. La correspondance que je viens d’étudier, bien que commençant à une époque plus tardive, met à néant ces calomnies. Tant d’esprit, de courage et de gaieté ne vont point sans doute sans quelques-unes de ces hasardeuses folies qui siéent à la jeunesse, comme un charme de plus, et qui semblent son sourire et sa grâce ; ils ne vont point non plus avec les choses honteuses et ténébreuses qu’on a chuchotées contre l’illustre mémoire. Il est certaines imputations qui n’atteignent pas certains hommes.

M. de Saint-Arnaud avait trente-trois ans quand il rentra définitivement, en 1831, dans les rangs de l’armée qu’il avait quittée. Il avait beaucoup voyagé, beaucoup vu, beaucoup vécu ; il se sentait en retard avec son ambition, il se dit tout d’abord qu’il fallait faire les étapes doubles. Sous-lieutenant, il fut envoyé avec son bataillon dans la Vendée, où fermentait un vieux levain de chouannerie. Là commence le recueil de lettres, et, dès la première ligne, nous voyons à qui nous avons affaire. C’est un audacieux et un ambitieux qui écrit, toujours prêt à jouer sa vie pour un coup d’éclat et contre un grade. Déjà faible de santé et souvent malade, le voilà en campagne, couchant à la belle, étoile, la pluie sur le dos, de la boue jusqu’au genoux, toujours en course, jour et nuit, sautant les fossés, les halliers, et toujours distancé par les chouans qui connaissent le pays où il vient pour la première fois, ce dont il enrage. Un jour il compte soixante balles dans un chêne derrière lequel s’était tenu, dans une escarmouche, un oilicier de sa compagnie. Quant à lui, il ne se tient point derrière les chênes, il est toujours au premier rang, découvert, mieux à l’aise ainsi et ne vivant volontiers qu’en face de la mort. Déjà, en fait de politique, il est pour les coups d’audace et compte plus sur l’intelligence et la résolution des hommes que sur les petits morceaux de papier en haut desquels on a écrit Constitution.


« Avec la légalité, la tolérance, le juste-milieu, nous sommes décimés ici sans en avoir un. Une poignée de chouans occuper trente mille braves ! Quel siècle ! quel gouvernement ! Et ce brave roi qui souffre cela ! Il ne le sait donc pas ? Mais qu’on le lui dise, qu’on donne quinze jours de carte blanche à chaque chef de cantonnement, dans un mois pas un chouan ne désolera notre belle patrie. »


Je note cette première impatience de M. de Saint-Arnaud sans la