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LE SPHYNX.

— Une couronne perlée sur ta voiture neuve ! dit entin M. de Prennes en réclamant du geste un instant de silence. Et pourquoi pas des fleurons, marquis ? As-tu donc peur de porter ce qui appartient à ton titre ?

— Un ou deux fleurons donc ! s’écria Georges ; cela vous manque, monsieur Rougé.

— Cela lui manque, firent toutes les voix.

— Et toi, Banneville, s’écria l’amphitryon poussé à bout, tu n’es bien que baron, qu’as-tu donc à dire ? Comte ou marquis, de toutes façons je vaux mieux que toi… Holà ! holà ! ne criez pas tous si fort. Marquis, par la corbleu ! Eh oui, vraiment, je suis marquis… Seulement je ne connais point le blason.

— Vous verrez que le père Rougé n’aura pas élevé son fils en gentilhomme, dit M. de Banneville.

— Mon père n’était point Rougé, je ne suis pas Rougé, je suis La Tour, s’écria le fils du maquignon.

— Le comte La Tour, répétèrent les convives.

— Vraiment, monsieur La Tour, vous savez bien que sur le boîtier de votre montre…

— Ah çà, interrompit M. de Prennes, marquis, mon ami, ne les feras-tu pas taire tous ces envieux-là et d’un seul mot ? Holà ! marquis, ton plat long !

M. de Rougé La Tour s’était levé. Il se jeta sur la sonnette et se mit à l’agiter à tour de bras. Un domestique accourut. — Apportez-moi mon plat long, qui était là tout à l’heure ! s’écria le maître, mon plat d’argent, — s’il est lavé ; — oui, oui, cousin de Brennes, notre plat long au fond duquel j’ai fait graver ma couronne… Je vais vous montrer que je suis marquis, messieurs… Je suis marquis dans mon plat long.

Un immense éclat de rire accueillit cette déclaration désespérée. Georges, en riant, détourna la tête, car la rage du marquis, malgré tout, lui faisait pitié ; ce fut alors qu’il aperçut son ami appuyé sur le chambranle de la porte, et la pâleur du pauvre Arsène était si frappante, qu’il s’avança vers lui en poussant un cri d’effroi. — Le maire à cet instant débouchait par la galerie, élevant en l’air une tasse remplie jusqu’aux bords d’une liqueur noire.

— Saisissez-le plutôt ! Oui, messieurs, il faut, il faut qu’il boive ! Il a