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LE PRÉSENT.

tail de l’affaire Moreau, détail mystérieux qu’il tenait vraiment de Georges lui-même, détail précieux et décisif qu’il n’avait pas eu le temps, quant à lui, d’observer durant sa visite à la maison mortuaire, d’où l’émotion l’avait fait trop tôt sortir. — Dans la chambre de Baptiste Moreau, au fond de la sombre et fatale alcôve, il y avait une porte. Cette porte donnait entrée dans un cabinet dont le procureur du roi avait trouvé la fenêtre ouverte, et, sur la plate-bande qui entourait la maison, le magistrat avait longtemps cherché des pas humains. Tout Laverdie, convaincu qu’il en avait trouvé, murmurait encore le mot de complice.

Un complice à Julie ! Était-ce lui que la jeune femme allait rejoindre dans les plus secrets asiles de la forêt ? Arsène pensa que décidément il n’avait plus qu’à regagner la table de M. de Hougé la Tour, et il allait se remettre en marche. Le monticule du haut duquel, deux heures auparavant, Georges avait aperçu la jeune femme, et d’où l’on découvrait tout le fond de la chênaie, s’élevait à cent pas tout au plus. Arsène enfin le vit, et voulut encore le gravir ; mais il le fit nonchalamment, n’espérant plus rien, et souriant lui-même de la vanité de ce dernier effort.-Madame Julie était toujours là, au fond de la ravine, assise alors sur de la mousse, entourée de plusieurs énormes bottes de muguet en fleurs, dont elle faisait un bouquet le plus tranquillement du monde.

Ainsi posée, elle tournait le dos au jeune homme, qui ne vit d’elle qu’une taille irréprochable et une chevelure d’une grande richesse. Elle était toute vêtue de noir. Arsène sauta légèrement sur le bord de la ravine, et s’arrêta tout juste au-dessus de la jeune femme. Il ne savait pas ce qu’il adviendrait d’une si brusque rencontre et de sa hardiesse ; il ne se demanda pas ce qu’il allait faire une fois qu’il serait en bas, et il se laissa glisser résolûment par une brèche du sol avec de grandes précautions, de peur qu’une pierre, en se détachant, ne vint à le trahir. La mousse qui tapissait les parois de la ravine amortit si bien le bruit de sa marche, qu’il arriva tout près de la jeune femme sans qu’elle soupçonnât sa présence, et là il s’arrêta un instant pour la considérer à son aise. Elle allait achever son bouquet, elle enroulait rapidement autour des tiges le fil qui devait les retenir. Lorsque cela fut fait, elle laissa tomber ses deux bras avec un grand air de fatigue, releva lentement la tête, et se mit à regarder le ciel et la cime craintive