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CHRONIQUE.

sur l’autre rive, essoumé, ému, désolé ! Tout Paris est là, dans cet homme qui marche ; je reconnais le caractère facile, heureux et souple de ses habitants. Durs et cruels autant que d’autres, égoïstes comme tout le monde, ils recouvrent d’un vernis brillant leurs défauts et leurs vices, et c’est bien, comme on l’a toujours dit, la race la plus aimable du monde. Un mot cependant, un mot, le plus sérieux de tous. Je n’ai parlé encore que de l’homme des départements ; je le trouve souvent ridicule, ennuyeux et triste. Mais la provinciale timide, embarrassée, doucement émue, avec ses blondes ondoyantes, son petit chapeau rose et sa mantille bleue, ne la trouvez-vous pas charmante, pleine de grâce, jolie à croquer ? ce n’est pas la fière Parisienne, portant


………… dans toute sa personne,
Quelque chose de fier et de hardi qui sonne
Comme l’éperon d’or d’un jeune cavalier.


Non : pas une ne sait sourire, pas une ne sait marcher, comme vous, Paquita, comme vous encore, madame la marquise. Mais vous avez, toutes, ou trop d’audace ou trop d’esprit ; toutes coquettes, toutes méchantes, vous demandez un sourire, un regard, un vers, une fleur, que sais-je ? Vous abusez un peu de vos charmes, et vous savez peut-être trop que vous êtes belles. La voyez-vous, au contraire, dans la rue, sur le boulevard, au Louvre, au salon, celle qui est arrivée hier de Provins ou de Mirande la jolie ? Elle n’ose lever ses grands yeux bleus, elle voudrait bien qu’on la vit, mais elle a peur qu’on la regarde, elle ne sait où cacher ses petites mains blanches, et elle rougit, quand j’approche effronté comme un Parisien ! Mais non ! je n’ai plus le même courage ; il s’exhale de toute sa personne un parfum de vierge qui me monte au cœur. Si la maman ou le mari me laissaient l’emhrasser, mes lèvres n’essuieraient ni le fard ni le blanc ; je mordrais dans la chair rose de leurs joues, comme elles mordent, les gourmandes, dans la chair blanche des pommes qu’elles ont cueillies sur l’arbre, au fond du jardin ; elles n’ont pas le goût agaçant du fruit vert, mais la saveur des pèches que dore le soleil dans les feuilles de l’espalier. Etalez à Bade et à Hombourg vos éclatantes toilettes, belles transfuges ! Restez un mois encore dans vos châteaux, grandes et nobles dames. J’ai pour me consoler de votre absence, j’ai mes petites provinciales — une amie de pension d’Emma Rovary et la cousine Madeleine.

Du reste, le mauvais temps est passé:Paris se réveille ; les théâtres ouvrent de nouveau leurs portes ; les actrices reviennent, la pluie arrive, cette bonne pluie que demandaientà grands cris les vignerons. L’eau du ciel mûrit les raisins. Nous aurons du vin cette année, dit la femme de l’ouvrier ; mon homme est bien malade, la petite fille est pâlotte : un peu d’eau rougie nous ferait tant de bien. Pauvres gens ! le bon Dieu a pitié de vous une fois : les dimanches seront