Page:Le Présent, année 1, tome 1, numéros 1 à 11, juillet à septembre 1857.djvu/430

Cette page n’a pas encore été corrigée
422
LE PRÉSENT.

Adrien Baillet l’appréciait judicieusement en écrivant qu’Hélinand n’était pas un simple versificateur comme la plupart des autres poëtes du moyen âge, qu’il avait du feu, de l’imagination, de l’invention, et qu’il lui manquait seulement l’usage d’une langue plus parfaite que n’était alors la nôtre. « Il est loué par tous ceux qui ont eu occasion de parler de lui, soit parmi les écrivains ecclésiastiques, soit parmi ceux de Citeaux en particulier. Mais on ne peut pas nier qu’il n’ait été un peu satirique et hardi pour un moine, et que son sel ne fût un peu âcre et piquant, surtout lorsqu’il voulait reprendre les désordres de son temps et particulièrement ceux de la cour de Rome. »

Tels sont les traits innocents qu’Hélinand lance contre le Vatican :


Rome est li mail qui tot assomme…
Qui fait aux simoniaux voile
De cardinal et d’apostoile…


Ceci ne l’empêcha pas d’être comblé des faveurs de Philippe-Auguste et de se lier avec les personnages de l’époque, l’évêque de Beauvais, Henri de Dreux, évêque d’Orléans et frère de Philippe du même nom, l’évèque de Noyon, Regnault, comte de Boulogne, le chancelier Guérin et autres seigneurs qui le recherchaient comme un homme remarquable.

Hélinand était encore historien.

La Chronique écrite par lui, et dont Vincent de Beauvais parle, se composai de quarante-huit livres. Quatre seulement ont été imprimés ; ils renferment les événements principaux depuis 934 jusqu’à 1200.

Les actes du martyre de saint Gerion et de ses compagnons, qui se trouvent dans les tomes de Surius, et s’éloignent par leur originalité du style des autres légendaires, sont aussi attribués à Hélinand.

Loisel raconte qu’il était instruit en toutes sortes de lettres séculières et divines et singulièrement en poésie latine et française ; il cite de lui ce distique :


Pauper, egenus, inops, pallens, exanguis, inania
Ære, cibo, requie, frigore, paste, fame


En son livre De reparatione lapsi, notre poëte historien raconte une anecdote qui nous montre quelle était sa familiarité avec Philippe de Dreux. Elle mérite d’ètre rapportée dans toute sa naïveté historique.

L’évèque de Beauvais étant un jour allé à Froidmont, manifesta sur le soir le désir qu’il avait d’entendre la messe le lendemain de bon matin. Hélinand monta donc après prime chez l’évèque pour le réveiller, ce qu’aucun de ses gens n’osait faire, de crainte de troubler son sommeil. Le moine s’approcha néanmoins du lit