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LE PRÉSENT.

tués. Tout son génie, si génie il y a, s’ingère à présenter en de nouveaux termes les opinions reçues et tombées dans la banalité. À l’exemple de ces critiques candides qui découvrent la lune tous les six mois, il vous dira que Racine était, après tout, « Messieurs, » un grand écrivain et Voltaire un homme d’esprit. Il poussera la hardiesse jusqu’à déclarer qu’il y a de beaux vers dans la Henriade. Quant à Shakspeare, qu’il eût honni en 1820, il s’aventurera jusqu’à l’appeler un génie inculte.

Je parlais tout à l’heure de M. Scribe : il y a dans une de ses comédies (pardon, Molière !) un personnage auquel je pensais sans cesse en écoutant M. Saint-Marc-Girardin.

Cette comédie est intitulée la Monomanie. C’était au temps où des suicides nombreux accusaient dans la société française une lassitude, un découragement profond (1831 ou 32). M. Scribe essayait de combattre le mal par des couplets ; non pas par de joyeux flonflons, par des accès de gaieté puissante, ce remède dont Rabelais s’était avisé au lendemain du traité de Madrid ; mais par de petits couplets siropteux parlant une morale gourmée et vulgaire. On y déclamait, à travers force lazzis contre la littérature moderne et le mal du siècle, la fameuse tirade de Jean-Jacques Rousseau.

Le personnage chargé de porter la parole en cette rencontre, au nom de M. Scribe et de la société, était un oncle, un oncle du Gymnase, soit Ferville ; — cinquante ans, du ventre, chapeau bas à larges ailes ; j’ajoute pour dernier renseignement qu’il s’appelle Desgaudins, et qu’il l’avoue, ce qui déjà me paraît assez courageux. On devine quel rôle est appelé à jouer le neveu de cet oncle modèle. Le pauvre diable destiné à endosser toutes les mercuriales de l’auteur est voué d’avance à toutes les furies, à tous les vices de son temps : et d’abord il est romantique ! mais, là, romantique à la façon de M. Scribe, ou de M. Saint-Marc-Girardin. Notez qu’il a le malheur de ne pas voir le bonheur suprême et la gloire finale dans une place de chef de bureau à l’Administration des Domaines (chef de bureau à dix-huit ans, cela ne se voit qu’au Gymnase). De plus, il est poëte et rime des odes en l’honneur des vers qui rongent (sic) le cadavre de sa fiancée. Bref, on l’a vu rôder, à la tombée de la nuit, autour de la mared’Auteuil : il veut se noyer. Arrive l’oncle, Desgaudins, et voici la morale qu’il lui chante pour le ramener à de meilleurs sentiments. Je cite :