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LE PRÉSENT.

de la garde nationale et l’admission des avocats aux fonctions électorales, vers ce fameux banquet où il devait s’asseoir, comme les Girondins, pour voir tomber le seul gouvernement qui pût lui donner vie.

Ce parti métis, qui se prétendait la partie la plus vertueuse et la plus pure de la nation, reçut un nom hybride et anti-grammatical comme lui-même : on l’appela le centre-gauche. C’était la crème, ou la lie de la bourgeoisie illettrée, ignorante, mécontente et envieuse.

« Toute feuille libérale en politique, a dit Victor Hugo, est illibérale en littérature : le feuilleton dérive de Laharpe, le premier-Paris dérive de Marat. » Marat, en 1840, c’était M. Chambolle ; Laharpe, c’était M. Chapuys-Montlaville. Leur Homère à tous deux, c’était l’auteur de Jérôme Paturot, un livre écrit contre les gens de style par un écrivain qui avait ses raisons pour ne pas se croire des leurs.

Jérôme Paturot ! un boutiquier triomphant du poëte, un bonnet de coton coiffant la lyre, telle fut la formule suprême et éclatante de cette lente réaction contre tout ce qu’avait voulu l’école romantique : grand style, poésie riche, art désintéressé.

Mais de telles œuvres, destinées par leur valeur et par le génie du poëte à s’isoler dans l’histoire des littératures, ne surgissent point cependant sans précédents et sans préparation dans les âmes.

D’autres œuvres, moins fortes assurément et moins douées du souffle d’épopée ; d’autres écrivains, moins faits pour l’éternité de la gloire, ont préparé l’avénement et le triomphe de cette apothéose de l’aune et des balances.

Deux surtout, l’un au théâtre, l’autre dans la chaire, y ont puissamment contribué : M. Scribe et M. Saint-Marc-Girardin.

Certes, comme écrivain surtout, je ne veux point comparer M. Saint-Marc-Girardin à M. Louis Reybaud, bien que l’un et l’autre, ainsi que leur frère d’armes, M. Scribe, appartiennent à l’Institut.

M. Louis Reybaud est d’une autre classe que M. Saint-Marc-Girardin : d’une classe fort honorable aussi, mais où il est moins nécessaire de faire preuve de littérature.

M. Saint-Marc-Girardin est un lettré, c’est même un savant ; et j’avoue que dans ces dernières années, il a su plus d’une fois quitter le grand chemin banal du commentaire des écrivains classiques, pour pousser d’assez heureuses pointes sur le terrain moins exploré de la littérature des Pères. Que ceci lui soit compté à sa décharge !