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CHRONIQUE.

Il avait passé d’abord par Henri IV, pour le remettre sur ses pieds. Où ira-t-il demain ? il ira loin, je le sais, et j’applaudirai, comme j’applaudis aujourd’hui, quand on le nommera grand officier de la Légion d’honneur, le grade dont vient d’être honoré M. Dutrey, l’inspecteur général. Cedant arma togœ, disaient les Latins. Cette devise me plaît : j’aime les travaux des lettrés au moins autant que la besogne des capitaines, et la fleur rouge fait aussi bien sur la toge noire que sur la tunique d’ordonnance.

Comme il est tard, mon Dieu ! pour parler de l’Académie, des séances du 17 et du 20. Et pourtant j’en dois dire un mot. Le 17, M. de Montalembert présidait les cinq Instituts. Il a eu la parole sévère, violente, hautaine ; il a même poussé le dédain trop loin, quand, évoquant les ombres des membres de l’Institut morts dans l’année, il a tu le nom de Musset, oubli prémédité, vengeance mesquine et coupable, que les hommes d’esprit et les hommes de cœur ont tous, je crois, condamnés ! Ce discours, du reste, s’il est permis à un inconnu de le juger, renferme bien des phrases banales et des bourgeoiseries ridicules. Le Siècle a déjà répondu à M. de Montalembert, à propos de ses réflexions sur la décadence, et je partage l’opinion de M. Léon Plée. À les en croire, ces messieurs de l’Académie, notre siècle est le plus corrompu qui ait jamais passé dans la vie de l’humanité, nous sommes tous en vile prose, les grands sentiments s’en vont, la poésie s’en va, la dignité s’en va. Voilà pourtant ce que j’entends dire tous les matins, et j’en ris tout le jour. Pourquoi donc nous dire si mauvais, nous faire si corrompus, jeter sur notre tète le voile noir et invoquer Jupiter vengeur ?

J’ai vu la phrase obligée sur les intérêts matériels, sur la spéculation envahissante, etc., etc. Tout cela est bien vieux, ou plutôt tout cela est bien jeune ; des enfantillages qu’on répète, je ne sais pourquoi, et que je suis las d’écouter ! Ces messieurs ont de l’or, ils sont nés riches comme. Crésus, ils ont des voitures et des chevaux, de grands salons et de grands parcs, tout cela bètement, par droit de succession, et ils s’étonnent, s’indignent, ces millionnaires de naissance, que certaines gens, des hommes actifs, intelligents, courageux, travailleurs, s’agitent, se démènent pour gagner quelques sous, pour avoir un jour ce qui fait les hommes honnêtes et indépendants, la fortune ! Je crie avec vous : Honte aux cupides ! mais, de grâce, ne leur en veuillez pas si longtemps à ces aspirants millionnaires qui n’ont qu’un tort, celui d’être nés pauvres, quand vous êtes nés riches !

Pourquoi faut-il que ces hommes, grands par le talent, grands par le caractère, se laissent aller ainsi au courant des idées reçues, acceptées, faites par je ne sais qui, répétées par tout le monde ? Nous avons le droit, vous et moi, de ne pas choisir notre style, de parler à la bonne flanquette, sans nous soucier de l’opinion des gens, pas même de la nôtre, tant nous sommes inutiles dans le monde ! Mais quand on s’appelle Montalembert, quand on a fait un discours comme celui que fit jadis le gentilhommeen compagnie de Lamennais lui-même, si je me