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LE PRÉSENT.

France, l’Istrie, la Croatie et la Camiole ; au duché de Varsovie, la Gallicie occidentale ; à la Russie, une partie de la Gallicie orientale. Il adhérait au système continental, tirait de ses coffres épuisés 85 millions pour les frais de la guerre, s’engageait à ne conserver sous ses drapeaux, auxquels était liée la honte de tant de défaites fameuses et infligées par le même homme, que cent cinquante mille soldats ; il reconnaissait le frère de cet homme comme roi d’Espagne. Par les désastres de cette paix, l’Autriche était affaiblie de trois millions et demi de sujets, elle était coupée de toute communication avec la mer, entamée par la Bavière sur le Danube, par le royaume d’Italie sur les Alpes Noriques ; la frontière française était portée à quarante lieues de Vienne, dont Napoléon faisait sauter les remparts. Le couteau de Stabs donna au vainqueur de Wagram la mesure de la haine que l’Autriche humiliée lui portait ! Ce n’est pas tout encore : François II était réservé à l’amertume d’un bonheur plus cuisant que toutes ses défaites. Cet homme qui lui avait fait tant de jours sans repos, tant de nuits d’insomnie, qui avait ouvert à si larges flots les veines de son peuple, qui l’avait découronné de l’Allemagne, dépossédé de l’Italie ; ce plébéien dont la gloire était faite de ses malheurs, ce parvenu d’Arcole, d’Austerlitz et d’Essling, il fut forcé de lui donner sa fille. La descendante des maisons de Hapsbourg et de Lorraine dans le lit d’un César de rencontre, ce fut certes pour l’Autriche une bien profonde humiliation, et longuement ressentie. Dans la campagne de Russie, l’Autriche fut obligée de joindre son armée aux armées de Napoléon, comme une province annexe du grand empire : ainsi, depuis quinze ans, elle était descendue presque jusqu’à l’anéantissement et à la complète destruction. Tout d’un coup elle entrevoit la possibilité d’humilier à son tour son vainqueur, de lui rendre enfin coup pour coup, et de lui faire savourer l’agonie où tant de fois il l’avait réduite : est-il vraisemblable qu’elle ait voulu refuser cette satisfaction à son besoin de vengeance ? On peut affirmer le contraire, de prime abord, sans avoir sous les yeux les correspondances et les notes des cabinets. Tout la poussait contre la France et dans les rangs des alliés : le passé à réparer, le présent à assurer, et l’avenir à ménager. Pourtant, s’il faut en croire M. Thiers, ce ne fut que malgré elle, et contrainte en quelque sorte par l’obstination de Napoléon, qu’elle se résolut à cette extrémité. Le lien de famille, selon lui, était plus fort que le ressentiment et l’esprit d’indépendance, que la passion et l’intérêt.

N’est-il pas vrai cependant que l’empereur François, avant même d’offrir sa médiation, conseillait au roi de Prusse « de ne pas arrêter le noble élan qui l’avait porté à seconder les efforts de l’empereur de Russie pour le soutien de l’indépendance de l’Europe ? » C’est Schœll qui l’affirme au tome Vie de son histoire. N’est-il pas vrai qu’il adhérait secrètement à la convention de Breslau, signée le 19 mars 1813, par Frédéric-Guillaume et Alexandre, et par laquelle tous les princes alle-