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LE SALON DE 1857.

Que dire, cette année, de la sculpture ? On lui avait donné un magnifique appartement ; les bronzes et les marbres étaient entourés de verdure, et pouvaient entendre, en même temps que le pas des promeneurs, le murmure de l’eau et le bruit des cascades ; il faut avouer, malheureusement, que les bijoux n’étaient pas dignes de l’écrin. La plupart des maîtres étaient occupés aux splendeurs du Louvre ; aussi la fête du marbre n’a pas valu la fète de la couleur. Je ne lui ferai point cette injure, toutefois, de mettre mon exegi au bas de ces pages sans l’avoir saluée et lui avoir fait au moins mes compliments de condoléance. Je serai assez heureux même pour trouver çà et là une belle œuvre à louer. Et d’abord, voici l’Ariane de M. Millet. Gràces un peu molles, élégance un peu apprêtée, douleur un peu maniérée ; mais, en somme, cette Ariane n’est pas indigne de l’amour du jeune et beau dieu Bacchus. S’il eût pu la voir aussi charmante dans son affliction, bien sûr il eût été touché et fùt revenu.

M. Guitton est un jeune sculpteur de premier mérite. Il a exposé une statue de Léandre cherchant à découvrir par delà les flots et à travers les brumes du soir le signal d’Héro. Le jeune amant est nu et prêt à se livrer à la mer ; le corps est rejeté en arrière, et une main est portée sur les yeux, pour concentrer sans doute l’arrivée des rayons lumineux tant attendus. Les attaches du genou, le modelé des jambes et du torse sont de la plus grande beauté. La tête est expressive et spirituelle. Toutefois, je ferai un reproche à M. Guitton. Pourquoi avoir renversé Léandre en arrière ? Quand on fixe un point quelconque, le corps, au contraire, se porte en avant, comme pour traverser l’espace. Est-ce une étourderie ou un parti pris ? Je blâmerais l’une, je ne comprendrais pas l’autre.

M. Lequesne a fait, pour Versailles, la statue de M. le maréchal de Saint-Arnaud. C est bien la mine fière, la physionomie superbe et vive, la belle taille de l illustre capitaine. L’artiste a tiré un excellent parti du caban africain, qui cache les basques toujours disgracieuses de l’habit.

Les trois bustes du maréchal Pélissier, par M. Crank ; du maréchal Bosquet, par M. de Nieuwerkerke ; du maréchal Canrobert, par M. Dantan, sont tout à fait dignes de l’attention qu’ils ont excitée.

Je ne finirai point sans nommer avec éloge le Lion de M. Jacquemart et la Chute des feuilles, de M. Schroder. Il faut l’avouer, toutefois, il n’y a pas là de ces chefs-d’œuvre qui commandent une irrésistible admiration et s’emparent invinciblement du cœur et des yeux du spectateur.

Je m’arrête. J’ai fini ma tâche. Je l’ai remplie avec conscience et plaisir. Alors même, en effet, que l’inspiration n’a point été chez tous ce qu’elle eût dû être, alors même qu’on se trouve en présence d’efforts qui n’ont pas toujours été heureux, il est toujours doux de vivre au milieu de la toile animée et peinte, au milieu du marbre poli, entre les tentatives, les essais, même les ébauches des arts. Le salon de cette année n’a été supérieur que dans le genre ; il a fait sortir peu