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LE PRÉSENT.

on était tout étonné et fort agréablement surpris de rencontrer un peintre sage, fort convenable et certainement très-digne de se trouver au salon en compagnie de ceux qui l’ont peut-être le plus bafoué ! Sa Léda, un peu flasque, un peu molle, un peu jaune, est assez bien dessinée ; elle a de l’élégance, de la tournure ; je critiquerais les attaches des pieds et des mains. Le milieu du corps est bien menu aussi pour une beauté grecque. Léda ne portait point de corset, et l’opulence de ses charmes se développait en toute liberté ; M. Galimard lui a fait une finesse de taille toute moderne qui me semble un contre-sens formel. — La peinture religieuse de M. Galimard a de l’élévation et de l’onction, deux qualités rares toujours et rares surtout au salon de cette année. Sa Sainte Cécile, sa Sainte Famille, sa Sainte Geneviève sont un trio de gràce et d’innocence qui m’a ému. C’est d’autant plus méritoire que la peinture religieuse est bien faible de nos jours. Quelques toiles seulement la représentent au milieu d’une foule de tableaux de genre et de paysage. Il me semble pourtant que cette défaveur est injuste et peu raisonnable. Au point de vue de l’art seul, est-ce que les légendes, les cérémonies de l’Église catholique n’offrent rien au peintre qui puisse séduire son pinceau ? Est-ce que le Calvaire n’est pas toujours le plus beau drame qui ait déchiré des entrailles humaines ? Est-ce que les larmes des vierges et la constance des martyrs et les rugissements de l’arène ne sont pas des sujets aussi intéressants qu’un intérieur quelconque, un enfant au bain, une femme à sa toilette, qu’une épigramme en peinture, qu’un logogripheou qu’un calembour ? Je regrette de voir épuisé ce cycle chrétien si fécond en grandes pensées et en admirables œuvres d’art ; les plus hauts talents s’y sont épurés et élevés. M. Paul Delaroche n’a rien fait de comparable à sa jeune martyre et à ses ébauches de génie qui racontent la Passion tout entière. C’est un exemple et une leçon ; il y a une belle fortune à conquérir et un beau nom à gagner pour le jeune peintre dont le pinceau redeviendra catholique. Il faut, il est vrai, que la pensée le soit également, mais pourquoi pas ? Et Jésus ne vaut-il pas bien Enfantin et Fourier ?

Il faut que je dise combien j’ai remarqué une toile de Mlle Élisa Drojat, Pauvres Enfants. C’est d’une grâce et d’un sentiment exquis que ces petits enfants qui tendent la main à la pitié des passants. Il est vrai que ce tableau était relégué dans la dernière salle et peu de personnes ont pu l’admirer ; celles qui ont eu ce bonheur s’en souviendront et, à la prochaine exposition, chercheront le nom de Mlle Drojat. Espérons qu’il sera plus facile à trouver.

À l’autre extrémité du salon, une toile d’un tout autre caractère a arrêté et amusé un assez bon nombre de gens. M. Gustave Droz a intitulé cette fantaisie : l’Obole à César. César est un petit amour mutin juché sur un trône posé lui-même sur un piédestal. Il porte sur sa tête frisée une couronne posée de côté comme la casquette d’un enfant de Paris. Il est du reste complétement nu. Aux pieds du piédestal quatre ou cinq bonshommes également nus, des amours encore,