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LE PRÉSENT.

fumant à la main… En prononçant ces paroles, il aperçut Marguerite immobile, éperdue près de Georges.

— Vous ! vous ! Marguerite, comment cela ?

On saisit Pierre Jarry ; on porta Georges au presbytère ; on porta à côté de lui Marguerite évanouie.

Le docteur sonda la blessure et secoua la tête.

— Mortelle, n’est-ce pas ? dit le prince.

— Non, mais grave, bien grave.

On tenait Pierre Jarry garrotté.

— Pierre, je vous pardonne. Vous ne saviez donc pas ?

— Quoi, prince ?

— Que j’épousais Marguerite !

— Je suis un assassin, dit Pierre. Mon Dieu ! pardonnez-moi.

— Il vous pardonnera comme je vous pardonne. Sire, ordonnez qu’on mette cet homme en liberté. Il m’avait prévenu qu’il me tuerait si j’épousais mademoiselle de Lautages ; il a cru que c’était elle. Sire, je vais mourir, accordez-moi sa grâce, c’est tout ce que je vous demanderai désormais.

— Déliez cet homme, dit Alexandre, il est libre. Pierre Jarry s’élança au dehors en poussant le cri rauque d’un tigre blessé à mort.

— Marguerite, je meurs, reviens à toi… pour recueillir mon dernier souffle… j’ai été injuste, j’ai douté de toi, j’ai voulu me venger, je suis puni… Nous allions être heureux pourtant sans cette… balle… Oh ! je souffre… Marguerite ! Sire !… ma mère… Vous lui direz que j’ai pensé à elle… Marguerite !… ma femme ! tu es ma femme ! Oh ! je ne voudrais pas mourir à vingt ans… Marguerite !… souviens-toi… je t’aime.

Ce fut sa dernière parole. La balle avait brisé la colonne vertébrale. L’empereur lui ferma les yeux. Marguerite n’avait pas encore repris ses sens. Elle était couchée près de Georges ; le sang qui avait coulé sur son uniforme avait rougi aussi sa robe blanche ; des gouttes même avaient jailli jusque sur le bouquet de fleurs d’oranger. Quand elle revint à elle, elle se tourna vers le cadavre et l’enlaça dans ses bras sans dire un mot. Le père Grandpré l’appelait avec désespoir, elle ne répondait rien ; les lèvres collées au front de son mari, la princesse ne voyait que lui.

— Marguerite, entends-moi, disait son père, regarde-moi.