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LE PRÉSENT.

tre, et la fumée, comme une âme qui s’en va, montait lugubrement vers le dôme blanc, et s’y suspendait en spirales capricieuses.

Georges ne pouvait tromper par l’agitation de la marche l’impatience fiévreuse qui le torturait.

— Elle meurt, se disait-il, elle meurt peut-être en se souvenant de moi.

Il s’élança hors de l’église. Cinq minutes après, il était près de la haie d’aubépine qui entourait le jardin de la mère Thomas. La claie en osier était ouverte, et, comme c’est l’habitude à la campagne, la foule avait afflué de la place de l’Église à la maison de la mourante ; elle l’encombrait et regorgeait au dehors jusque sur la place. Les têtes étaient nues, on se taisait ou l’on échangeait à voix basse quelques paroles furtives. Des enfants se glissaient dans la foule, arrivaient à la claie d’osier et parvenaient à pénétrer dans la maison, ou bien restaient sur le seuil et se haussaient, pour mieux voir, sur la pointe des pieds. Attiré par un irrésistible sentiment de compassion, Georges se rapprocha ; la foule déguenillée fit place au brillant uniforme couvert de décorations. Il n’osa entrer et se pencha à la fenêtre. Près du lit se tenaient madame de Lautages qui pleurait, Clotilde qui pleurait, l’empereur qui s’essuyait les yeux ; le père Grandpré qui était à genoux et dont on ne pouvait voir la figure cachée par les draps du lit, et le jeune homme qui avait blessé Roczakoff et avec qui Georges s était battu en duel. Il avait le bras en écharpe et pleurait. La mère Thomas tournait le dos à la fenêtre et soutenait Marguerite par derrière. Le prêtre lisait, avec ses enfants blancs auprès de lui.

De la fenêtre, Georges oppressé passa au seuil de la porte, et il entendit le prêtre qui disait :

— Maria sancta.

Et la foule répondait :

— Ora pro nobis.

— Virgo adorata.

— Ora pro nobis.

— Turris mystica.

— Ora pro nobis.

— Rosa purpurea.

— Ora pro nobis.

Par instants, les larmes et les sanglots couvraient la voix du prêtre